La violence conjugale frappe aussi chez nous
Gérard Bourquenoud | Selon certaines sources de confiance, la violence conjugale existe bel et bien dans notre pays. Pire, une étude effectuée sur le plan suisse le confirme et dévoile un nombre exorbitant de femmes battues. La violence subie par celles-ci existe depuis fort longtemps, pour ne pas dire des siècles, mais jusqu’à présent aucune statistique n’a permis de la chiffrer. C’est dans les couples qu’elle trouve le plus souvent un terrain propice, parce que le pouvoir n’est que rarement partagé et que l’homme s’affirme encore trop souvent comme le maître de famille.
Plus d’une femme sur cinq en Suisse est agressée physiquement ou sexuellement dans le cadre de sa relation de couple. Le schéma de base caractérise trois types de violence: la violence physique, par exemple en jetant un objet à la figure, en bousculant son conjoint ou en le saisissant sous la menace d’un couteau; en l’obligeant par la force physique à une relation sexuelle; psychologiquement encore, probablement la forme de violence la plus répandue et la plus difficile à étudier et à résoudre, parce que celle-ci peut passer de l’insulte à la séquestration et au refus de rentrer au domicile. Pour tenter, sinon de supprimer ces risques, du moins de les atténuer, même si cela est considéré comme insuffisant, une campagne contre la violence conjugale avait été lancée il y a quelques années sur le plan national, en particulier pour que dans un premier temps une maison d’accueil soit ouverte dans chaque canton, afin que les femmes battues y trouvent sécurité et solidarité, mais aussi l’accompagnement nécessaire. Et ces maisons d’accueil existent dans bon nombre de cantons, même si parfois, il y a aussi des hommes battus !
«Il ne faut pas de tout pour faire un monde, il faut du bonheur et rien d’autre», a écrit Paul Eluard. La violence conjugale se cache très fréquemment derrière les fenêtres closes du voisin. Elle est une lutte qui s’exprime par le respect de l’autre. Elle n’est pas le résultat d’un dérapage, d’une perte de maîtrise isolée, comme la croyance populaire aime à l’imaginer, mais elle se manifeste dans un contexte, une stratégie globale de domination masculine. Ce qui est le plus frappant, c’est que malgré les bonnes paroles prononcées sur l’égalité, la situation n’a connu qu’une infime évolution au sein du couple, tant sur le partage des tâches à la maison que sur l’image caricaturale que l’on se fait de la femme battue.
Une donnée qui pourrait avoir pour conséquence de fissurer quelque peu le tabou, c’est que depuis une décennie ou même plus, les femmes ont commencé à s’exprimer ouvertement, en particulier dans les fonctions publiques et en politique, mais rares sont celles qui décident ou ont le courage de déposer plainte contre leur agresseur ou même leur conjoint. Une enquête a établi que l’indice de dominance du mari est le plus souvent le facteur le plus important des actes de violence dans le couple. Un phénomène qui prend malheureusement de l’ampleur par l’abus d’alcool et qui se manifeste partout, toutes catégories sociales confondues. D’autre part, il y a le risque qu’un homme reproduise ce qu’il a vu dans sa propre famille, tout particulièrement lorsque la communication est mauvaise et que le système familial est replié sur lui-même.
Tant que le phénomène est tabou et non reconnu socialement, il sera difficile pour une femme d’en parler et de briser le cycle de cette violence.