Œnologue
Georges Pop | Les scientifiques et autres spécialistes adorent s’affubler de noms compliqués souvent issus du grec. Et il est piquant de noter – alors que la période des vendanges touche à sa fin – que le monde du vin n’échappe pas à cette pratique. Celui qui cultive le raisin est un viticulteur et le même qui le transforme en vin devient un vigneron (deux mots issus, comme vendange, du latin vinus). Dès lors pourquoi l’expert dans la science du vin ne porte-t-il pas le nom de vinologue mais celui infiniment plus compliqué d’œnologue? Sans doute pour éviter l’addition composite d’un mot latin et d’un mot grec. Le mot œnologie qui définit la science qui a pour objet l’étude et la connaissance du vin résulte du cumul homogène de deux termes grecs οἶνος (oînos = le vin) et λόγος (lógos = la science). Il a surgi, semble-t-il, dans la langue française au XVIIe siècle dans un traité sur le vin et a fini par désigner une science au XIXe lorsque les chimistes se sont penchés sur le subtil processus de vinification du raisin. Le problème avec les mots compliqués c’est qu’ils sont souvent mal orthographiés et encore plus souvent mal prononcés. Que nous enseignent les règles du français? D’abord qu’œnologie et ses dérivés s’écrivent bien avec un e dans le o. Le œ est une fusion de deux graphèmes qui porte le nom de ligature, en usage notamment en français et anglais. Du coup ceux qui écrivent oenologue (avec le o et le e qui font chambre à part) ont tout faux. Et ce n’est pas tout! Ces mêmes règles de notre belle mais complexe langue française nous informent que lorsqu’il est issu d’un mot grec, le œ se prononce non pas eu mais é. C’est le cas pour œnologie mais aussi pour fœtus, Œdipe et œsophage. Cependant, s’il est suivi d’un u ou d’un i, il se prononce bien eu comme dans œuf, bœuf et œil. N’est-il pas amusant d’entendre que la plupart des œnologues – comme la majorité d’ailleurs – prononcent mal le nom de leur métier? Ou que beaucoup de médecins ne savent pas énoncer correctement fœtus, œdème ou œsophage? Un bon point en revanche aux hommes d’église qui se trompent rarement dans l’énoncé du mot œcuménique… Faut-il en déduire que la théologie prépare mieux à la maîtrise de la langue que la médecine ou l’évaluation d’un cépage? Vraisemblablement, oui !
Mais nous sommes bien d’accord : c’est un détail !