La petite histoire des mots
Maison
Georges Pop | «Restez à la maison ! » Le slogan est répété à l’envi depuis les début du mois de mars, sur les télévisons, les journaux, les réseaux sociaux et même sur les panneaux autoroutiers. Personne n’y échappe et peu, sauf raison valable, ne s’y conforment pas, le confinement restant, pour l’immédiat, le seul moyen efficace pour freiner la dispersion du Covid-19. Il est cocasse de relever que le substantif « maison » et la notion de « rester », d’un point de vue étymologique, sont presque… redondants ! Le mot « maison » est attesté en ancien français dès le XIe siècle. Il est directement issu du nom latin « mansio » qui désignait un lieu d’habitation. Or « mansio » est lui-même un dérivé du verbe latin « manere » qui signifie « rester » ou « séjourner ». Bref, une maison est, par définition, un lieu où l’on reste ! Le mot « demeure », synonyme de « maison » définit d’ailleurs lui aussi un lieu où l’on reste, puisqu’il est issu du verbe « demeurer », dérivé du verbe latin « démoror » qui, à l’instar de « manere », signifie également « rester » ou « s’attarder ». Encore dérivé du latin « manere », le mot « manoir » ne désignait, dès le XIIe siècle, sous la forme « maneir », qu’une simple maison, dans un registre littéraire, voire poétique. Ce n’est que récemment, au XIXe siècle, qu’il finit par être utilisé dans le sens de «petit château». Lui aussi dérivé de «manere», le mot «manant», bien que passé de mode, est synonyme aujourd’hui de rustre ou de personnage grossier. Mais il voulait tout simplement dire «habitant» au Moyen-Âge. Et ce n’est pas fini! Le verbe « manere », qui nous a donné « maison » « manoir » et « manant », nous a aussi, et surtout, offert le mot « ménage », qui définit à la fois la dépense et l’entretien d’une famille, les meubles et ustensiles de la maison, le soin que l’on prend de son chez-soi, notamment par le recours à une « femme (ou un homme) de ménage », ainsi que l’union entre un homme et une femme ou, plus récemment, entre deux personnes de même sexe qui ont choisi d’unir leurs destins. Par les temps qui courent, dans les conditions de confinement que nous vivons, les couples ont d’ailleurs tout intérêt à « faire bon ménage », autrement-dit, à vivre en bonne intelligence dans la même maison, sans se disputer. Les origines de cette expression familière remontent au début du XVIIe siècle pour affirmer les bonnes relations des conjoints, sous le même toit. Elle a, depuis, pris un sens plus large pour caractériser les bonnes relations entre deux individus, même hors du couple, ou encore entre deux animaux, un chien et un chat, par exemple. Notons encore que le mot « pénates » utilisé au pluriel pour désigner son foyer, dans un sens désormais parfois ironique, nous vient des « dieux pénates » qui, chez les Romains, désignaient les divinités protectrices de la maison (penates) auxquels on rendait un culte domestique. Et pour en revenir à « maison » terminons sur ce proverbe arabe, sans doute de circonstance, en cette période de confinement : « Si tu ne peux être une étoile au firmament, alors sois une lumière dans ta maison ». Prenez bien soin de vous !