La petite histoire des mots
Riviera

Le président américain Donald Trump a soulevé une tempête de protestations et une vague d’indignation en proposant, la semaine dernière, de transformer la bande de Gaza en « riviera », après avoir vidé – définitivement ou provisoirement – le territoire de sa population palestinienne. Le milliardaire, grand amateur de golf, qui a fait sa fortune dans l’immobiliser, voit dans ce projet qui l’enthousiasme « une contribution à la paix au Moyen-Orient ».
Selon le dictionnaire de l’Académie française, « riviera » est un nom donné initialement à certaines régions touristiques du littoral méditerranéen, réputées pour la beauté de leur littoral et leur climat clément. Ce terme ne concernait initialement que les rives méditerranéennes les plus prisées par les touristes. Mais son usage s’est progressivement étendu à d’autres régions. C’est ainsi, par exemple, que l’on a baptisée « Riviera vaudoise », la région en bordure du Léman qui s’étend de Corseaux à Villeneuve, et qui englobe les villes de Vevey, Montreux et La Tour-de-Peilz.
Emprunté à l’italien, ce terme ne s’est imposé dans notre langue qu’à la fin du XIXe et le début du XXe siècle, avec l’avènement du tourisme de masse. « Riviera » est à l’origine un mot appartenant au dialecte génois. Il dérivé du latin « riparia », féminin substantivé de « riparius » qui désigne un endroit situé près d’une rive (« ripa » en latin). Au XVIe siècle il désignait uniquement les appontements, les plateformes sur pilotis, du port de Gênes, où les bateaux s’amarraient pour décharger leurs marchandises. Il s’est ensuite étendu à toute la côte ligure, puis à d’autres rivages attrayants, celui du lac de Garde, notamment.
La proximité de « riviera » avec « rivière » n’est évidemment pas fortuite. Le nom qui, depuis la fin du XIe siècle, désigne dans notre langue un cours d’eau qui se jette dans un fleuve est lui aussi issu du latin « riparia ». Son sens initial de « terre du bord » a progressivement évolué jusqu’à désigner le cours d’eau lui-même.
On distingue actuellement de nombreuses « rivieras ». Il y a bien sûr celle de la côte méditerranéenne qui s’étend de part et d’autre de la frontière franco-italienne, et qui englobe la Côte-d’Azur, mais aussi une « Riviera allemande » en mer Baltique, une « Riviera russe », en mer Noire, qui comprend la ville de Sotchi, etc.
De nos jours, dans la presse « people », le nom « riviera » est souvent associé aux vacances dorées de la jet-set et à la dolce-vita du gotha au bord des piscines de somptueuses villas, ou sous les parasols des yachts, amarrés dans les port de Monaco ou de Saint-Tropez. On imagine mal ces gens aller un jour bronzer sur une plage de Gaza en sirotant un Spritz.
Mais comme le souligne, un éditorialiste du journal Le Monde : « Ce qu’il y a de touchant chez Donald Trump, c’est la fidélité à son métier d’origine. (…) Ses années de promotion immobilière lui ont donné le sens du terrain : c’est quand un bâtiment est en ruine qu’il faut acheter. Ses années de télé-réalité lui ont aussi appris que la vraie réalité est d’abord cathodique. »