La petite histoire des mots
Triomphe

Donald Trump sera le prochain locataire de la Maison Blanche. Plus qu’une victoire, son élection constitue un authentique triomphe pour le milliardaire new-yorkais, poursuivi par la justice de son pays, qui a non seulement raflé une majorité de grands électeurs, mais obtenu aussi la majorité des suffrages des voix populaires.
Voilà qui nous amène au mot « triomphe » qui définit une victoire éclatante ou un succès retentissant. On le trouve en vieux français, dès la fin du Moyen-Âge, avec la graphie « triumphe », ainsi qu’en vieux provençal sous la forme « triomfe ». Ces substantifs sont dérivés du latin « triumphus » qui désignait, chez les Romains, le cortège triomphal d’un général victorieux, mais aussi les acclamations qui l’accompagnaient.
Sous la République, ce défilé était attribué par le Sénat. Il constituait une récompense et un honneur pour le général victorieux en pays barbare. Il pouvait avoir lieu longtemps après une campagne. Ce fut le cas, par exemple, pour Jules César, après sa conquêtes de Gaules achevée en 51 av. J.-C. Son triomphe se déroula 5 ans après sa victoire.
Vêtu de pourpre royale, César, suivi de son armée, défila sous les acclamations de la foule, dans un quadrige attelé de quatre chevaux disposés de front, tenant dans ses mains un sceptre en ivoire et une branche de laurier. Sur sa tête, une couronne de laurier et une couronne d’or était tenue par un esclave qui avait également la tâche de lui chuchoter à l’oreille qu’il n’était pas un dieu mais un simple mortel. Le vaincu, le chef gaulois Vercingétorix fut lui aussi exhibé, enchaîné, lors de cette procession, à l’issue de laquelle il fut exécuté, sans doute étranglé dans sa cellule.
Le latin « triumphus » a très vraisemblablement, été emprunté au grec. Sa forme archaïque « triumpus » est manifestement issue de « thriambos », un terme qui chez les anciens Hellènes désignait un chant (triomphal) à la gloire de Dionysos, le Bacchus romain, dieu de la vigne, du vin et de la fête. Cette divinité jouait un rôle essentiel dans l’équilibre naturel du monde. « Thriambos » est apparenté au grec « dithúrambos » qui désignait un hymne religieux en l’honneur de Dionysos. Ce mot nous a donné le français « dithyrambe » qui s’applique le plus souvent à des louanges excessives. Notons qu’en grec moderne « thriambos » veut également dire « triomphe ».
Appelés à l’origine « fornix », puis « arcus », les arcs de triomphe sont également un héritage de l’époque romaine. Avant de célébrer les victoires des armées de la République, puis celles de l’Empire, à l’époque archaïque, ces arches avaient une fonction magique. Au retour de leurs combats, les guerriers devaient les franchir pour se décharger des énergies destructrices qu’ils portaient en eux et qui auraient été dangereuses pour leurs compatriotes.
De telles portes seraient peut-être bien utiles de nos jours, pour prévenir les propos, et parfois les comportements violents, de certains politiques et de leurs partisans…