Votations fédérales du 24 novembre
4.9 milliards pour fluidifier le trafic : solution ou impasse ?

Les dirigeants du pays du rail prônent le développement de certains tronçons d’autoroutes. De l’autre côté, le comité référendaire conteste cette vision. Explications.
Les débats sur la voie des élargissements de plusieurs portions d’autoroute sont enflammés. D’une part, il y a ceux qui veulent fluidifier le trafic pour réduire le phénomène de bouchon : « 8800 heures d’embouteillage ont été enregistrées sur l’ensemble du réseau suisse des routes nationales l’an dernier. Soit une augmentation de 22 % par rapport à 2022 », indique l’Office fédéral de la statistique. D’autres part, il y a ceux qui pensent que ce projet de 4.9 milliards est trop onéreux, engendrera plus de pollution et ne résout pas les problèmes de trafic.
A la croisée des chemins
Les autoroutes helvétiques ont été construites à partir des années 1960. A cette époque, le pays comptait six millions d’habitants contre 9 millions (30 juin 2024). Une des conséquences de cette progression, le nombre de véhicules qui, depuis 1990, a plus que doublé sur les routes nationales. Résultat des courses, les embouteillages sont fréquents, poussant ainsi voitures et camions à sortir des autoroutes pour traverser les villes et les villages : « L’objectif de ce texte est de réduire le trafic d’évitement », détaille le portail de la Confédération.
L’autoroute A1, avec ses 410 kilomètres, est la plus longue du pays. Pas étonnant, donc, que cette voie soit la plus touchée par les embouteillages (16’279 heures). « Grâce à l’étape d’aménagement 2023, le Conseil fédéral et le Parlement entendent éliminer les goulets d’étranglement sur six tronçons. »
L’A1 entre Le Vengeron et Nyon est le seul segment concerné en Suisse romande. L’autoroute doit, entre autre, être élargie à trois voies sur une distance de 19 kilomètres. Toujours sur l’A1, mais entre Berne-Wankdorf et Kirchberg, deux aménagements réduiront les bouchons aux heures de pointe. Pour finir avec l’A1, un troisième tube verra le jour au tunnel du Rosenberg à Saint-Gall.
Même scénario au nord du pays, à Bâle, un nouveau tunnel sera construit sous le Rhin pour soulager le trafic aux abords de la frontière sur l’A2. Enfin, un second tube au tunnel de Fäsenstaub à Schaffhouse (A4) renforcera la capacité de cet important axe transfrontalier.
Plus d’autoroutes, c’est plus de trafic
Les référendaires estiment que l’élargissement des autoroutes n’offre qu’un répit temporaire. Pour eux, les voies supplémentaires attireront plus de véhicules, créant rapidement de nouveaux bouchons : « Au lieu de résoudre les problèmes de circulation, on les aggrave. » Cela enclenche un cercle vicieux où chaque élargissement d’autoroute appelle à de nouveaux travaux coûteux et consomme des surfaces destinées à d’autres usages. Sur le site du « Non aux projets autoroutiers extrêmes », on peut lire que les travaux nécessaires pour ces extensions dureront des années, générant des ralentissements, des perturbations, et un report du trafic sur des axes secondaires. « Par exemple, les travaux entre Genève et Nyon devraient s’étaler de 2033 à 2041, soit huit ans de chantiers ininterrompus. »
L’impact écologique inquiète également le comité référendaire : « Plus de 400’000 m² de forêts, d’espaces verts, et de terres agricoles seraient détruits, compromettant la biodiversité et la beauté des paysages suisses ». Des projets jugés contradictoires avec les objectifs climatiques de la Suisse, et
risquant d’intensifier le mitage du territoire.
Le camp du non rappelle qu’aucun trajet en voiture ne commence ou ne finit sur l’autoroute. Le surplus de trafic généré par l’élargissement se répercute aussi sur les quartiers, les villages et les villes, affectant directement la qualité de vie de la population.
Choix de société
Le vote du 24 novembre pose un dilemme : répondre aux embouteillages croissants par une extension ciblée des infrastructures routières, ou repenser les priorités en matière de transport et de durabilité. D’un côté, la Confédération et le Parlement défendent des projets qu’ils jugent essentiels pour limiter le trafic d’évitement et soutenir une économie en mouvement. De l’autre, les référendaires alertent sur les coûts, les impacts environnementaux, et le risque de surcharger encore plus les axes routiers secondaires et les zones résidentielles. En définitive, ce vote représente un choix de société : entre l’aspiration à une mobilité fluide et les impératifs écologiques, où placer le curseur ?
Droit du bail : deux objets pour avantager les propriétaires ?

Le 24 novembre, les Suisses voteront sur deux changements importants liés aux règles de location. D’un côté, il sera question de mieux encadrer la sous-location, de l’autre, de permettre aux propriétaires de mettre fin à un bail plus facilement s’ils ont besoin du logement pour eux-mêmes. Décryptage.
Chasser les locataires de leur logement, pour ensuite relouer plus cher », s’insurge l’Asloca sur son portail web. L’association de défense des locataires, qui est à l’origine de ces deux référendums, dénonce un durcissement du droit du bail aux conséquences dramatiques. Pour sa dirigeante, l’objectif du lobby immobilier est clair : « Il s’agit d’une attaque évidente contre les locataires alors que la situation du marché est déjà extrêmement compliquée », détaille Carole Wahlen, présidente de l’Asloca-Vaud au micro de LFM. « On détricote petit-à-petit des règles qui sont là pour cadrer le système des locations. Le but derrière tout ça, c’est évidemment de pouvoir résilier plus facilement pour relouer plus cher. Puisque c’est au moment du changement de locataire que l’on peut augmenter massivement les loyers ».
Pour rappel, le gouvernement suisse avait annoncé à la fin 2023 vouloir introduire des mesures pour atténuer les hausses de loyer. « Le Conseil fédéral considérait initialement qu’il n’était pas nécessaire de modifier la loi, mais il soutient désormais les projets tels qu’ils ont été adoptés par le Parlement », mentionne le Département fédéral de l’économie (DEFR) dans un communiqué.
Résiliation en nom propre
Comme pour la sous-location, c’est un référendum de l’Asloca qui a mené cet objet aux urnes. En bref, il s’agit de faciliter, pour les propriétaires, la résiliation de baux en cas de besoin propre, afin qu’ils puissent récupérer leurs logements ou locaux commerciaux : « Actuellement, la condition de « besoin urgent » est souvent difficile à prouver, ce qui laisse certains propriétaires sans accès à leur bien lorsqu’ils en ont besoin ». Pour les partisans de la modification, cette réforme est aussi perçue comme un moyen de mieux protéger les droits de propriété, en évitant des délais et des procédures prolongées.
Par ailleurs, les délais de prolongation de bail pour les locataires en situation de rigueur seraient raccourcis, rendant les processus de résiliation plus prévisibles pour les propriétaires. Enfin, les défenseurs de cette réforme estiment que ces assouplissements permettront une meilleure gestion des biens et une plus grande clarté dans les procédures de résiliation. Selon l’alliance qui combat ce texte, cependant, cette révision serait discriminatoire : « Cette révision s’appliquera dans trois situations : la résiliation après un litige, la prolongation du bail, et l’acquisition d’un nouveau bien immobilier. Dans chacun de ces cas, le besoin propre pourra être invoqué de manière simplifiée ».
Sous-louer son logement, pas sans l’avis du propriétaire
Le contexte est similaire pour cet autre objet, puisqu’il s’agit également d’une révision du droit du bail. Les défenseurs de la modification du droit du bail pour la sous-location mettent en avant plusieurs arguments en faveur de cette réforme. D’abord, la mesure vise à lutter contre les abus liés à cette pratique en instaurant des règles plus strictes. Actuellement, certains locataires sous-louent sans en informer leur propriétaire ou demandent des loyers excessifs. Résultat des courses, on fait face à des situations inéquitables pour les sous-locataires et les propriétaires. « En imposant une demande d’autorisation écrite pour la sous-location, le projet de loi garantirait que les bailleurs soient au courant des occupants réels de leurs biens, renforçant ainsi la transparence », avance le portail du gouvernement suisse.
La durée pour un contrat de sous-location serait également limitée à deux ans. L’objectif est de prévenir ainsi des gains abusifs que certains locataires pourraient tirer d’une sous-location prolongée. En cas de non-respect de ces règles, la procédure de résiliation devient plus explicite : après une protestation écrite restée sans réponse, le propriétaire pourrait résilier le bail dans un délai de 30 jours, offrant une sécurité juridique renforcée pour toutes les parties.
Si les nouvelles règles visent à mieux encadrer la sous-location et à simplifier la résiliation de baux pour besoin propre, elles suscitent des débats sur l’équilibre entre protection des locataires et droits des propriétaires. Le résultat du vote déterminera l’avenir du marché locatif en Suisse .
Uniformiser le financement des soins à l’hôpital ?

Aujourd’hui, les traitements ambulatoires reposent entièrement sur les caisses-maladie, tandis que les cantons participent au financement des soins hospitaliers. Pour certains, cette répartition incite à des hospitalisations coûteuses et inutiles, d’où l’urgence de réformer le système pour alléger les coûts. D’autres redoutent qu’une telle réforme renforce le pouvoir des caisses-maladie. Eclairage.
Le projet EFAS (financement uniforme des prestations de santé ambulatoires et stationnaires) remet sur la table les coûts de la santé. Cette réforme promet, selon ses partisans, de faire baisser les primes d’assurance maladie d’environ deux milliards de francs. Pour bien comprendre cet objet soumis au peuple, il est important de connaître le fonctionnement actuel.
Le financement des prestations de l’assurance obligatoire des soins (AOS) est actuellement divisé : « Les cantons couvrent au moins 55 % des soins stationnaires, tandis que les traitements ambulatoires sont financés à 100 % par les caisse-maladie », annonce le site de la Confédération. Une configuration qui crée des incitations à l’hospitalisation, augmentant les coûts des primes pour les assurés. La réforme EFAS vise à instaurer un financement uniforme : les cantons contribueront à hauteur de 26,9 % pour les soins ambulatoires et stationnaires dès 2028, et pour les prestations de soins dès 2032. Ce changement vise à alléger la charge des payeurs de primes en renforçant le financement par les impôts et en promouvant des soins ambulatoires coordonnés. D’après une étude de l’OFSP (Office fédéral de la santé publique), le potentiel d’économies de cette réforme est estimé à 440 millions de francs par an.
Conséquences pour les soignants et les malades ?
Pour contrer la réforme EFAS, le Syndicat des services publics (SSP) a lancé un référendum. Selon le SSP, cette réforme donnerait un pouvoir excessif aux assureurs, leur permettant de réorienter le système de santé en fonction de logiques de profit, au détriment des soignants et des patients : « Le syndicat affirme que cette modification de la LAMal augmenterait les primes et réduirait les investissements dans le personnel de santé, tout en privilégiant des secteurs lucratifs, et appelle ainsi la population à voter NON ». Sur son site, le SSP affirme que le mécanisme LAMal n’est pas satisfaisant, avec ou sans réforme : « Cette révision ne semble pas répondre aux problèmes structurels du système de santé, comme la prime par tête, qui ignore le revenu des assurés, ou encore la domination croissante des cliniques privées au détriment des hôpitaux publics. »
Toujours sur le portail web du syndicat, on apprend que la réforme EFAS favoriserait les conflits d’intérêts : « Les caisses-maladie, qui vendent aussi des assurances complémentaires, risquent de privilégier leurs propres intérêts au détriment de l’accès équitable aux soins ».
Le vieillissement démographique et la hausse des cas de démence exigent des investissements substantiels, mais EFAS risque de restreindre ces investissements en transférant la charge financière des cantons vers les caisses. Ce transfert entraîne une pression sur les hôpitaux publics et les EMS, dont les budgets sont déjà contraints. La réduction des financements pourrait dégrader les conditions de travail du personnel soignant, rendant difficile de maintenir la qualité des soins.
Hausse des primes ?
La révision pourrait aussi entraîner une hausse des primes d’assurance-maladie, les cantons étant libérés de leur responsabilité dans le financement des soins de longue durée. Avec des coûts croissants dans les EMS et les soins à domicile, les assurés devront prendre en charge une part plus importante des dépenses, aggravant la pression financière sur les familles.
La révision de la LAMal, EFAS, bénéficie du soutien du Conseil fédéral, de la majorité des partis et de nombreux acteurs de la santé, qui y voient une amélioration de la qualité des soins. Cette réforme met l’accent sur une meilleure coordination entre les différents intervenants du système de santé, permettant d’offrir des traitements plus adaptés à chaque patient. En favorisant le passage aux soins ambulatoires, EFAS devrait non seulement accélérer la récupération des patients à domicile, mais aussi permettre des économies pour les assurés, notamment grâce à l’augmentation des soins à domicile.
Portée par ses partisans comme une solution pour réduire les coûts de santé et mieux coordonner les soins, la réforme EFAS suscite des inquiétudes quant à ses effets sur les primes d’assurance et l’équilibre du pouvoir entre les caisses-maladie et les cantons. Tandis qu’elle promet des économies pour les assurés, certains craignent qu’elle fragilise les financements publics, au détriment de la qualité des soins et des conditions de travail du personnel.