La petite histoire des mots
Singe

Mercredi dernier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que l’épidémie de mpox, qui touche plusieurs pays africains constituait une urgence de santé publique de portée internationale. A l’origine, cette maladie était appelée variole du singe. Elle a été rebaptisée l’année dernière, l’usage du mot « singe » étant jugé quelque peu offensant pour une infection touchant essentiellement l’Afrique subsaharienne.
D’un point de vue strictement zoologique, au risque de heurter notre orgueil d’espèce dominante, les humains sont des « singes » comme les autres. Dans la langue courante, cependant, ce mot désigne exclusivement les primates quadrumanes, généralement arboricoles, dont il existe de nombreuses espèces, comme les chimpanzés, nos proches cousins, avec lesquels nous avons en commun entre 96 à 98 pour cent de notre ADN.
Le mot « singe » nous vient du latin « simius » qui désignait déjà un singe, mais aussi un imitateur servile, les Romains ayant été frappés par les similarités entre les humains et les grands primates. « Simius » nous a donné les adjectifs « simien » (relatif aux singes), et « simiesque » (qui évoque les singes). Ce terme est vraisemblablement issu de « simus » qui signifie « camus », (qui a le nez plat), emprunté à un mot grec qui avait le même sens. Il est aussi peut-être apparenté à « similis » (semblable).
En français, on découvre l’expression « payer en monnoie de cinge » (payer en monnaie de singe) au milieu du XVIe siècle dans le roman de François Rabelais le Quart Livre ; une allusion à l’habitude qu’avaient, depuis le Moyen-Âge, les montreurs de singes de payer les péages en offrant des numéros de leur animal. L’expression « Ce n’est pas à un vieux singe qu’on apprend à faire des grimaces » est beaucoup plus récente. Elle est attestée dès le milieu du XIXe siècle.
Depuis quelques décennies, certains supporters de football, qui revendiquent leur racisme, ont pris l’habitude de pousser des cris de singe dans les stades pour invectiver et déstabiliser les joueurs d’origine africaine. Ces agressions sont désormais sévèrement réprimées. Leurs auteurs ignorent manifestement qu’ils sont aussi des primates et que leurs ancêtres, qui avaient la peau sombre, sont arrivés d’Afrique il a quelque 40’000 ans.
En grec, le singe se dit « pithêkos ». On retrouve ce terme dans le substantif « pithécanthrope » (homme singe) que les paléontologues ont inventé pour désigner l’Homme de Java, un de nos lointains « ancêtres » hominien dont les restes fossilisés ont été découverts sur l’île de Java. Chez les gens « cultivés », ce terme a été détourné en injure pour désigner un individu peu cultivé, grossier dans ses manières.
Terminons par cette amusante et (im) pertinente citation de Jean Cocteau : « Tout homme porte sur l’épaule gauche un singe, et sur l’épaule droite , un perroquet ».