La petite histoire des mots
Lapsus

Au cours du sommet de l’Otan, la semaine dernière à Washington, le président américain Jo Biden a une nouvelles fois jeté le doute sur ses capacités cognitives en appelant « Poutine » le chef de l’Etat ukrainien, Volodymyr Zelenski, puis en nommant « Trump », sa vice-présidente Kamala Harris. Le président français Emmanuel Macron a volé à son secours en rappelant qu’il arrivait à tout le monde des faire des « lapsus ».
Le mot « lapsus » désigne l’emploi involontaire d’un mot pour un autre, en langage parlé ou écrit. Dans le premier cas, il s’agit d’un « lapsus linguae » et dans le second d’un « lapsus calami » (le latin « calamus » désignant un roseau utilisé pour écrire) ou d’un « lapsus scriptae » (le latin « scriptum » voulant dire « écriture »). On peut aussi parler de « lapsus memoriae » (du latin « memoria » qui veut dire « mémoire ») pour indiquer l’oubli gênant de certains mots ou de souvenirs qui paraissent d’habitude évidents. Ce « lapsus » est particulièrement redouté par les cruciverbistes, ainsi que par les hommes et les femmes politiques qui prennent publiquement la parole sans notes.
Toutes ces expressions associant le mot « lapsus » à un génitif latin sont apparus dans la langue française surtout à partir du XIXe siècle, emprunté au latin « lapsus » qui signifie « glissade », lui-même issu du verbe « labor » qui signifie « couler », « glisser », « trébucher » ou encore « tomber ». Chez les Romains, « lapsum sum » voulait dire « Je suis tombé ». La liste des lapsus a encore été enrichie au XXe siècle avec, par exemple, le « lapsus clavis » qui désigne une erreur commise en tapant sur un clavier.
Les lapsus sont-t-il toujours « révélateurs » ? Si beaucoup sont parfaitement innocents, certains criminologues du XIXe siècle y soupçonnaient une « pensée dissimulée ». De son côté, Sigmund Freud voyait dans le lapsus l’éruption involontaire d’un désir inconscient. Selon la théorie freudienne le sentiment de honte ou de mal-être qui peut survenir après un lapsus montrent que l’inconscient d’un individu a déjoué les barrières de son « Surmoi » qui joue le rôle de censeur interne.
D’innombrables lapsus sont entrés dans l’histoire. En voici trois parmi les plus célèbres.
En 1963, en annonçant la mort du pape Jean XXIII sur Radio Luxembourg, le journaliste Jacques Alba annonça « Le pope est mart », avant de tenter de se rependre en lâchant, « Le Saint-Père est mère » ou, selon une autre version, « le Saint-Mère est port » … En 1975, s’adressant aux députés français à l’Assemblée nationale, à propos d’un texte sur la pornographie, le député Robert-André Vivien invita ses collègues à « durcir leur sexe », en lieu et place de leur texte.
Enfin en 2010, la députée européenne Rachida Dati avait évoqué la hausse de la « fellation », alors qu’elle évoquait la lutte contre l’inflation…