La petite histoire des mots
Pédale
Le Tour de Romandie ayant fait étape dans notre région, voici une petite question de circonstances : Quel est le point commun entre un orgue et un vélo ? Réponse : tous deux sont munis de pédales. Le pédalier du premier est conçu pour jouer de l’instrument à l’aide de ses pieds ; celui du second a pour rôle de transformer l’action de pédaler avec ses pieds en un mouvement de rotation transmis à la chaine qui entraine la roue arrière du cycle. Dans les deux cas, les pieds étant mis à contribution, on ne sera pas surpris d’apprendre que le mot « pédale » est étymologiquement lié à nos pieds.
C’est vraisemblablement au XVIe siècle que ce terme fit son apparition dans la langue française, sous la forme « pedalle » pour désigner une pédale d’orgue et d’autres instruments de musique. Il fut emprunté à l’Italien « pedale » qui avait le même sens. Ce terme est dérivé du latin « pedalis » qui signifie « de pied ». Il est issu de « pes » (patte ou pied), qui nous a donné « pied », dans notre langue. On situe la naissance des premiers pédaliers d’orgue vers le XIIIe siècle, lorsque les organistes ont éprouvé le besoin de remplacer les clefs de blocage de certaines notes graves pour changer plus facilement les notes de basse afin de soutenir la polyphonie.
C’est évidemment bien plus tard, à partir de 1864, que furent développés, en France, les premiers vélos équipés de pédales. La parenté de cette invention est disputée, mais elle est généralement attribuée au Français Pierre Michaux qui fut le premier à les fabriquer en grand nombre. Fondé en 1869, le bimensuel Le Vélocipède Illustré fut sans doute l’un des premiers à utiliser le mot « pédale » pour désigner la partie du vélo sur laquelle les pieds s’appuient pour entraîner un mouvement. Quelques années plus tard, ce terme fut également adopté par l’industrie automobile naissante.
Dans un registre vulgaire et discriminatoire, c’est au milieu du XXe siècle que « pédale » fit son apparition pour désigner avec malveillance un homosexuel, par détournement et simplification du terme « pédéraste ». Ce dernier mot, parfaitement inapproprié, ne définit d’ailleurs pas un homosexuel, mais un individu attiré par les jeunes garçons.
L’expression « perdre les pédales » s’est également popularisée vers le milieu du XXe siècle. Elle fut d’abord utilisée par les cyclistes qui n’arrivaient plus à suivre le rythme d’une course après avoir perdu l’équilibre. Par la suite, elle fut appliquée, dans le sens de perte de maîtrise, à la conduite en voiture, pour parler d’un conducteur qui confond la pédale de frein et celle de l’accélérateur, avec des conséquences parfois dramatiques. On l’utilise de nos jours pour parler de quelqu’un qui sombre dans la confusion.
Dans ce dernier registre de confusion et de perte de ses moyens, on peut aussi recourir à ses propres goûts alimentaires pour « pédaler » dans la semoule, le yaourt, voire la choucroute…