La petite histoire des mots
Négociation
La semaine dernière, la présidente de la Confédération Viola Amherd et celle de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ont officiellement ouvert à Bruxelles les nouvelles négociations entre la Suisse et l’Union européenne. Leur issue reste incertaine, en raison des demandes des vingt-sept, de l’hostilité tenace de l’UDC et des réticences des syndicats.
De nos jours, le mot « négociation » désigne une série d’entretiens et de démarches que deux parties, ou plus, entreprennent pour parvenir à un accord ou conclure une affaire. Nul besoin d’être un étymologiste averti pour s’apercevoir que ce substantif, tout comme le verbe « négocier » sont intimement liés aux mots « négoce » et « négociant », attribués respectivement à un commerce, ainsi qu’à une personne qui se livre au commerce en gros. C’est la raison pour laquelle il a très longtemps été assigné aux seules transactions entre marchands.
A l’origine, on trouve le latin « negotium » qui définit l’ensemble des activités productives et rémunératrices, notamment celles liées au commerce. Ce mot associe l’adverbe « nec », qui signifie « -ne pas » et « otium » qui désignait le temps des loisirs chez les patriciens, les citoyens romains de la classe supérieur. Le « negotium » se distinguait ainsi de l’inactivité, mais aussi du « labor », l’ensemble des travaux manuels pénibles réservés à la plèbe des paysans, des artisans et des petits commerçants. « Labor » nous a donné « labeur », mais aussi « labour », terme qui désigne le travail du sol, particulièrement épuisant avant sa mécanisation.
Dans la langue française, le verbe « négocier » apparaît dès le XIVe siècle, au seul sens de faire du commerce. Les substantifs « négociateur » et « négociation » ont émergé à la même époque, pour désigner respectivement un régisseur et les affaires commerciales. C’est au XVIe siècle, que « négociation » prend le sens d’action de s’entremettre dans le domaine de ce que nous appellerions aujourd’hui le « business ».
Il faut attendre le début du XXe siècle pour que Le Larousse accorde aussi la « négociation » à la politique et à la diplomatie, la définissant comme une voie de sortie pacifique lorsqu’il y a mésentente ou conflit entre deux ou plusieurs camps.
La négociation suppose que soient réunies plusieurs conditions : l’existence d’un désaccord entre les parties en présence ; une volonté mutuelle de résoudre ce désaccord, ainsi qu’un réel désir commun de trouver un compromis, sans pour autant se soumettre d’emblée à la volonté de l’autre. Ces conditions sont-elles aujourd’hui acquises entre la Suisse et l’Union européenne pour permettre un accord ? Bien malin celui ou celle qui a la réponse …
La citation la plus célèbre sur la négociation revient sans doute à Nikita Khrouchtchev. Lors de l’assemblée générale de l’ONU, en octobre 1960, celui qui était alors l’homme fort de l’Union Soviétique avait lancé à l’assistance ébahie : « Ce qui est à nous est à nous, ce qui est à vous est négociable »…