La petite histoire des mots
Oui & Non
La campagne pour les votations du 3 mars prochain ayant démarré en trombe, les « Oui » et les « Non » des partisans et des adversaires des deux objets soumis au vote des citoyens commencent à fleurir par voie d’annonces ou d’affiches. Ces deux adverbes, qui à eux seuls peuvent former une phrase complète, sont tellement communs et utilisés dans le langage quotidien qu’on ne s’interroge guère sur leur origine.
Pourtant, si le « non » est manifestement apparenté à ses équivalents des autres langues latines, comme le « no » italien ou espagnol, ou le « não » portugais, il en va tout autrement du « oui » qui ne ressemble en rien au « sì », italien ou espagnol, ou encore au « sim » portugais. Le « si » dans le sens « oui » existe d’ailleurs aussi en français. Il est utilisé pour donner une réponse positive à une question négative, alors qu’il est d’usage de dire « oui » pour donner une réponse positive à une question positive.
Remonter à la source du « non » est plutôt aisé. Il est avéré dès le IXe siècle, emprunté directement au « non » latin qui signifie « ne… pas », lui-même issu de la contraction de « noenum », un adverbe archaïque qui exprimait la négation. En ancien français, il apparaît parfois sous la forme « nun ». Notons que malgré sa proximité phonétique le « nein » allemand, ainsi que le « no » anglais, ne sont pas hérités du latin, mais du vieil allemand « ni ein » que l’on pourrait traduire par « ni un » dans un sens négatif.
Notre « oui » a suivi un tracé plus sinueux que le « non », ce qui prouve bien qu’il est plus facile de se camper dans la négation que dans l’affirmation. Le latin n’a pas de mot pour dire « oui ». Il utilise deux moyens pour l’exprimer : soit la reprise de l’un des mots de la question (ex : viens-tu ? Je viens !), soit les adverbes « ita » et « sic » qui signifient « c’est ainsi » ; « certe » qui veut dire « assurément », ou encore « sane » qui veut dire « tout à fait ».
Bizarrement, le « oui » qui nous est si familier dérive du latin « hoc ille » qui signifie « celui-ci ». Ce terme est devenu « oïl » en vieux français et se prononçait « ouil ». Il exprimait l’approbation lorsqu’il était suivi d’un pronom et d’une verbe qui finirent progressivement par disparaître. Le mot « oui » fut d’abord écrit « ouy » ou « ouil » avant de prendre sa forme définitive.
Pour l’anecdote, signalons que lors de leur premier séjour en Grèce, nombre de touristes sont désorientés car en en grec « oui » se dit « nai ». Ce « oui » grec, hérité du grec ancien, est souvent accompagné d’un léger mouvement de la tête de gauche à droite, ce qui ajoute à la confusion, voire au malentendu le plus cocasse.
Autant le savoir lorsque, dans une taverne, dans la torpeur de l’été hellénique, après avoir gouté aux spécialités du pays, on demande s’il est possible d’avoir l’addition…