La petite histoire des mots
Gare

Initialement prévue en 2025, la fin des travaux de rénovation de la gare de Lausanne a été repoussée en 2037, voire plus tard. Pour justifier ce report, les CFF avaient invoqué des problèmes liés à la nature des sols. La semaine dernière cependant, l’émission « Temps Présent » de la RTS a produit des documents confidentiels, qui tendent à prouver que les CFF avaient négligé des exigences concernant la largeur des quais, créant un risque pour les usagers. Sans entrer dans un débat qui, depuis la fin de l’année dernière, apporte son lot régulier de mauvaises nouvelles et de contrariétés aux usagers romands des chemins de fer, voyons d’où nous vient le mot « gare » qui désignait jadis, non pas une station destinée aux trains, mais un abri pour le transport fluvial.
Ce terme est un déverbal de « garer » qui signifie « stationner » ou « mettre à l’abri ». Ce verbe est apparenté au vieux français « guarir », issu très vraisemblablement d’un mot de la langue francique (la langue des Francs) qui signifiait « protéger ». On trouve d’ailleurs dans certains manuscrits du XIIIe siècle l’expression « Deus te garisse de mort de peril » qui veut dire « Dieu te protège contre la mort et contre le péril ». Deux siècles plus tard, « guerrer » prit le sens d’amarrer un navire, avant de se transformer en « garrer » pour indiquer l’action de faire entrer un bateau dans un port.
Le mot « gare » est, quant à lui, avéré en français dès la fin du XVIIIe siècle pour désigner un lieu aménagé sur les cours d’eau navigables pour servir d’abri aux bateaux ou leur permettre le passage. Avec l’avènement des chemins de fer, ce terme fut adopté pour désigner les stations d’embarquement et de débarquement des voyageurs et des marchandises. Notons au passage que le mot « garage » a lui défini l’action de faire entrer des bateaux dans une « gare d’eau » puis celle de garer des wagons, bien avant de désigner un bâtiment destiné à abriter ou à réparer des véhicules motorisés.
Relevons enfin que c’est avec l’avènement du chemin de fer, au XIXe siècle, que le mot « terminus » fut adopté pour désigner la dernière gare d’un réseau ferroviaire. En latin, « terminus » désignait certes une borne ou une limite mais surtout le nom du dieu gardien des bornes. Les Romains excellaient dans l’arpentage et le bornage. Les bornes romaines ayant un caractère religieux, les Romains leur attribuèrent un dieu protecteur. Fils de Jupiter, Terminus était le plus souvent représenté sans bras, ni jambes, car jamais il ne devait bouger de la place qui lui était attribuée. Selon la légende, lorsque les Romains décidèrent d’élever un temple à la gloire de Jupiter sur la colline du Capitole, les statues de toutes les autres divinités furent prestement délogées pour laisser la place au tout-puissant souverain de la terre et du ciel. Sauf Terminus, car le déménager eut été un grave sacrilège.
Terminus, et le substantif qui lui est associé, ont aujourd’hui donné leur nom à de nombreux hôtels situés non loin des gares ferroviaires.