La petite histoire des mots
Chine

Il a beaucoup été question de la Chine, la semaine dernière, pour diverses raisons, comme le survol d’un supposé ballon espion chinois au-dessus de Etats-Unis ; la crainte d’une escalade entre la Chine et l’Occident ou encore les chiffres en recul de la croissance chinoise, en raison de la pandémie de Covid-19. L’occasion est trop belle pour ne pas se pencher sur le mot « Chine » qui n’a rien de… chinois ! Mais avant d’en explorer les origines, notons au passage que l’étude des noms propres, de leur étymologie, de leur formation, de leur usage à travers le temps, etc. porte le nom d’« onomastique », un terme issu du grec « onomastikos » qui veut dire « propre à donner un nom », lui-même issu de « onoma » qui signifie « nom ».
Mais venons-en à l’objet de cette chronique ! Les Chinois appellent leur pays « Zhong guo », ce que l’on pourrait traduire par « Milieu » ou « Pays du Milieu ». Pourquoi ? Tout simplement parce que conformément à leur cosmologie, les anciens Chinois s’imaginaient vivre au centre d’une Terre carrée, sous un ciel en forme de cercle. Ce « Pays du Milieu », mal compris par les étrangers s’est d’ailleurs transformé en « Empire du Milieu », une dénomination qui, chez les Occidentaux notamment, est devenu l’autre nom de la Chine.
Il existe plusieurs hypothèse sur l’origine du mot « Chine ». Selon la plus vraisemblable, un terme phonétiquement comparable apparut d’abord en sanscrit, langue autrefois largement répandue en Inde et qui compte, aujourd’hui encore, quelque deux millions de locuteurs. Pour mieux se faire comprendre, lors de leur séjour en Inde, plutôt que de tenter d’expliquer qu’ils venaient d’un lointain et déconcertant « Milieu », les commerçant chinois auraient pris l’habitude de dire qu’ils étaient des sujets des empereurs Qin, une dynastie qui régna au IIIe siècle av. J.-C. Le nom « Qin » se prononçant « ts’in » ou « tchin », les Indiens auraient fini par appelé « Cīnas » (tchinas) le pays de leurs visiteurs orientaux, même après la disparition de la dynastie en question.
Au XVIe siècle, lorsque les commerçants portugais installèrent des comptoirs en Inde, ils auraient adopté ce nom, transformé dans leur langue en « China », un terme repris par les autres Européens. A noter que deux siècles plus tôt, dans ses récits de voyage, Marco Polo avait utilisé le nom « Cathay » pour désigner la Chine ; terme issu de la tribu mongole des Khitans. Vers la fin du IXe siècle après JC, ces guerriers mongols avaient conquis le nord de la Chine, réussissant même à établir leur propre dynastie, la dynastie Liao. Le nom russe de la Chine, « Kitay », est d’ailleurs lui aussi dérivé du nom de cette tribu mongole.
Relevons pour conclure que l’homme fort de Pékin, le président Xi Jinping, qui ne s’embarrasse guère des droits humains ou du droit international, n’a jamais caché son ambition de remettre son pays au « milieu » du monde. Brossant régulièrement le tableau d’une Chine « socialiste moderne », il affirme que la Chine sera économiquement et militairement au premier rang du monde, devant les États-Unis, à l’horizon 2049, date du centenaire de la République populaire fondée par Mao.