La petite histoire des mots
Pédagogie

Confronté à la grogne d’une grande partie de sa population, hostile à la réforme des retraites, une mesure nécessaire, selon lui, pour assurer la pérennité du système, le gouvernement français persiste à penser qu’il lui faut faire davantage de « pédagogie » pour convaincre les récalcitrants. Constatant, à l’instar de plusieurs sociologues, que les Français, bien plus que d’autres Européens, considèrent que l’Etat est une sorte de « maman » qui doit, en toutes circonstances, assurer leur bien-être jusque dans leur vie personnelle, il est cocasse de relever que le terme « pédagogie » définit d’abord l’éducation… des enfants !
Le mot « pédagogie » nous vient en effet du grec « paidagôgía » qui associe les mots « paîs » qui signifie « enfant » et le verbe « ágô » qui veut dire « conduire », « accompagner » ou encore « élever ». Chez les Grecs et les Romains qui ont emprunté ce terme à la langue hellénique, un « pédagogue » n’était pas un enseignant, mais un esclave chargé de conduire les garçons chez les maîtres chargés de leur formation et de leur éducation physique.
Selon certaines sources, le terme « pédagogie » aurait été introduit dans la langue française au XIVe siècle par le philosophe, astronome, mathématicien et théologien Nicolas Oresme qui vécut dans la France de l’époque médiévale. On lui doit la traduction en français de nombreux textes anciens, notamment les écrits d’Aristote. Le fait est que dès le XVe siècle, le mot « pédagogie » commença à désigner la science de l’enseignement. En plaidant pour une démocratisation de l’éducation et en créant les bases l’enseignement moderne, en éveillant l’intérêt de l’élève, le philosophe et théologien morave (tchèque) Comenius, qui vécut au XVIIe siècle, est considéré comme l’un des pionniers de la pédagogie contemporaine.
De nos jours, il existe plusieurs formes de pédagogie : la méthode expositive, qui consiste pour l’enseignant à transmettre ses connaissances sous forme d’exposé ; la méthode démonstrative qui par la reformulation permet d’évaluer le degré de compréhension de l’étudiant ; la méthode interrogative ou maïeutique qui, notamment par le recours à des questions, permet à l’élève de construire ses connaissances ; la méthode active qui mobilise l’expérience personnelle de l’étudiant pour résoudre un problème, ainsi que la méthode expérientielle qui incite l’élève à produire lui-même le savoir qu’il partagera et réélaborera avec d’autres.
De toutes ces méthodes, le gouvernement français a manifestement choisi la première pour persuader ses paroissiens du bien-fondé de sa réforme, répétant et expliquant à l’envi les raisons qui, selon lui, la justifient. Cela suffira-t-il ? On peut en douter ! Se faisant le porte-parole de la colère populaire, un dirigeant syndical a affirmé que « les Français ne sont pas des imbéciles et n’ont pas besoin de pédagogie ». Sans prendre parti, peut-être faudrait-il lui faire remarquer que la pédagogie ne s’adresse justement pas aux imbéciles… Ils y sont réfractaires par nature !