La petite histoire des mots
Troll
Georges Pop | Selon une récente enquête, relayées notamment par la RTS, beaucoup de messages sur les réseaux sociaux affichent un soutien à la Russie et à Vladimir Poutine. Il s’agirait majoritairement de « trolls » financés par Moscou dont un certain nombre seraient basés en Afrique.
Dans le jargon informatique, et plus particulièrement sur les réseaux sociaux, un « troll » désigne un intervenant qui pollue délibérément les espaces de discussions par des messages mensongers, provocateurs, voire injurieux, ou de nature purement publicitaire.
Dans la littérature fantastique, un « troll » est une créature mythique de la mythologie nordique, lutin ou géant, incarnant les forces naturelles, méfiant à l’endroit des hommes qu’il évite. Issu du vieux norrois, la langue scandinave médiévale, ce terme est apparenté au verbe norrois « trylla » qui signifie « rendre fou » ou « remplir de rage ». En norvégien, de nos jours, « trylle » signifie « faire de la magie ». Selon les époques et les régions scandinaves, les croyances, ainsi que la physionomie des trolls, sont changeantes, ce qui rend très difficiles une représentation précise de ces êtres.
Le mot « troll » est avéré dans la langue française dès le début du XVIIe siècle, dans un texte de Pierre de Loyer, un célèbre démonologue de l’époque, qui évoque des esprits malfaisants nordiques qu’il désigne sous le nom de « Trollen ». Ce mot apparaît presque simultanément dans la langue anglaise, dans des récits sur les créatures diaboliques de la tradition scandinave. Au XIXe et au début du XXe siècle, de nombreux poètes, et auteurs scandinaves réhabilitèrent les trolls dans leurs récits. Dans son célèbre ouvrage « Le Seigneur des anneaux », l’écrivain et poète anglais J.R.R. Tolkien décrit les trolls comme très puissants, laids et particulièrement stupides. Il les voit vivant dans des cavernes, amassant des trésors, tuant pour le plaisir et dévorant les hommes, les nains et les elfes dès qu’ils en ont l’occasion.
Dans l’argot informatique anglais, le mot « troll » apparut dès le début des années 1990, pour désigner un individu qui cherche sciemment la polémique. Le nom de ces « trolls » contemporains a peut-être été inspiré par celui donné aux créatures malfaisantes de la littérature fantastique. Mais selon une autre hypothèse, ce terme dériverait plutôt du verbe anglais « to troll » qui fait référence à la pêche à la traîne, une technique qui consiste à laisser traîner un appât derrière un bateau en mouvement. Ce verbe anglais serait peut-être aussi à l’origine du nom donné à nos « trolleybus », des bus qui « pêchent » des passagers lors de leurs déplacement, à la manière d’un chalutier.
En français, dans le sens moderne, le substantif « troll » a fait son entrée dans l’édition 2017 du Petit Larousse illustré en 2017. Il y est défini comme « un internaute qui empoisonne les débats sur internet avec des remarques inappropriées ou provocantes ». Selon divers rapports des services secrets occidentaux, recoupés par de nombreuses enquêtes journalistiques, les « usines à trolls » russes ont une stratégie particulièrement élaborée pour peser sur les débats politiques des pays démocratiques, principalement par le truchement de réseaux instrumentalisés à distance par des agents se présentant faussement comme des citoyens des pays visés. Avec un objectif clair : affaiblir les candidats ou les idées qui leur déplaisent et favoriser leurs adversaires et les opinions plus favorables à la Russie. La Suisse ne serait pas épargnée par ces actions pernicieuses.