La petite histoire des mots – Escroquerie
La chronique de Georges Pop
Georges Pop | Très médiatisé, le procès de Pierin Vincenz, l’ancien patron de la banque Raiffeisen, s’est ouvert la semaine dernière à Zurich. L’ancien banquier est notamment accusé d’escroquerie par métier, de gestion déloyale et de corruption passive, ce que l’intéressé conteste. Il n’est pas question de se pencher ici sur les tenants et aboutissants de cette affaire, mais de saisir l’occasion qu’elle nous offre pour explorer l’histoire du mot « escroquerie » qui désigne le fait de tromper une personne physique ou morale par l’emploi de manœuvres mensongères ou frauduleuses, afin d’en tirer illégalement un profit, mais aussi, au sens figuré, une tromperie ou de fausses promesses.
Ce substantif, qui fleure bon la fripouille, est issu du verbe « escroquer » apparu dans la langue française vers la fin de XVIe siècle dans le sens de « soustraire quelque chose à quelqu’un par fourberie ». Il a été emprunté à l’italien « scroccare », qui signifie « décrocher », « voler » ou « écornifler ». Vous avez dit « écornifler » ? Ce verbe est très peu usité de nos jours. Il définit l’action de se procurer par ruse de l’argent, un bon repas, ou d’autres petits avantages, aux dépens d’autrui. Il est dérivé du verbe « écorner » qui signifie « dégarnir un animal de ses cornes ».
Pour en revenir au verbe « escroquer », son apparition dans notre langue fut presque simultanément accompagné de celle des substantifs « escroqueur » et « escroqueuse » qui se transformèrent progressivement en « escroq » puis en « escroc ». De nos jours, ce dernier terme s’emploie au masculin, même pour désigner une personne de sexe féminin (ex : cette femme est un escroc). Néanmoins « escroqueur » et « escroqueuse » sont toujours validés par l’Académie, même si on les entend peu. Le mot « escroquerie », quant à lui, n’émerge dans la littérature que vers la fin du XVIIe siècle, puis dans les textes de loi au début du XIXe. La plus grande escroquerie de l’histoire, à hauteur de quelque 65 milliards de dollars, fut le fait du financier américain Bernard Madoff, mort le 14 avril 2021, à 82 ans, dans le pénitencier de Caroline du Nord où il purgeait une peine de 150 ans de prison. Sa fraude pyramidale consistait à piocher dans les finances de ses nouveaux clients pour rétribuer ou rembourser des investisseurs plus anciens. De nos jours, un très grand nombre d’escroqueries se font en ligne, par le recours à internet. Ces arnaques se distinguent d’un vol ordinaire dans la mesure où, très souvent, les victimes fournissent volontairement, et en toute connaissance de cause, des informations, de l’argent ou des avantages au fraudeur ou à la fraudeuse. L’escroquerie sentimentale, par exemple, consiste à entretenir à distance une relation amoureuse fictive avec la victime, en lui faisant croire à un futur mariage, dans le but de lui soutirer de l’argent.
Pour conclure sur une note morale, adressons aux futurs escrocs cette mise en garde du dialoguiste Michel Audiard dans le film « Le Cave se rebiffe », une sombre affaire d’escroquerie et de fausse monnaie, sortie sur les écrans en 1961, avec dans le rôle principal l’immense Jean Gabin : « Entre truands, les bénéfices ça se partage, mais la réclusion , ça s’additionne ».