La petite histoire des mots
Stade
Georges Pop | C’est à huis-clos, privé de ses supporters, que le Lausanne-Sport a inauguré, dimanche dernier, le stade de la Tuilière lors d’un match, par surcroît, perdu contre Young Boys. Le mot « stade » désigne de nos jours, un terrain aménagé pour la pratique des sports, individuels ou collectifs, le plus souvent entouré de gradins et de tribunes. Le terme nous vient du latin « stadium », lui-même emprunté au grec « stadion ». Le « stadion » des anciens Hellènes était une mesure de longueur d’environ 180 m. Cette distance correspondait au lieu où se trouvait une piste de cette taille, fermée aux deux bouts, et où les athlètes de l’Antiquité se livraient à la course. A son apogée, le « stade » d’Olympie, dans le Péloponnèse, où se disputaient le Jeux olympiques de la Grèce antique, pouvait accueillir près de 45’000 spectateurs, uniquement des hommes. Ils prenaient place sur des gradins de bois amovibles, installés sur les talus qui dominent la piste. Après l’interdiction des cérémonies païennes par l’empereur Théodose Ier, à la fin du IVe siècle, le stade d’Olympie fut abandonné, puis finit par tomber en ruines. Un champ de blé recouvrit le site, et le marbre des temples fut réutilisé pour d’autres constructions. De nos jours, des dizaines de milliers de touristes, hors pandémie, visitent, chaque année, le site d’Olympie. Outre les vestiges des temples, celui notamment dédié à Zeus, ils peuvent y admirer les pistes de sable utilisées par les coureurs antiques, ainsi que les plaques de marbre qui indiquaient la zone de départ des épreuves. Dans la langue française, ce n’est que relativement récemment, à partir de 1896, que le mot « stade » désigna une infrastructure dotée d’une surface pour la pratique des sports. On doit cet usage à Pierre de Coubertin, grand admirateur du monde grec, rénovateur des Jeux olympiques de l’ère moderne, et fondateur du CIO, le comité international olympique, dont le siège est à Lausanne. C’est d’ailleurs à Lausanne que Pierre de Coubertin, ruiné, vécut ses dernières années. Il repose, au cimetière du Bois-de-Vaux, où sa tombe, frappée des anneaux olympiques, est régulièrement fleurie par des visiteurs. Son cœur, lui, repose à Olympie. A ce « stade », il est intéressant de noter qu’en anglais, le terme « stadium » avait, dès la fin du XVIIe siècle, pris le sens d’étape, notamment en médecine, pour distinguer les différentes phases d’une maladie. Ce sens a fini également par être adopté en français ; raison pour laquelle on peut parler aujourd’hui, par exemple, des différents stades de la vie. Pour en revenir au sport, il est indéniable que c’est la popularité du football qui a entraîné la multiplication des stades, destinés à recevoir des spectateurs de plus en plus nombreux. Aujourd’hui, les stades de football n’accueillent plus seulement les 22 joueurs d’une rencontre, mais aussi des spectacles, des concerts, ainsi que d’autres sports. A en croire le grand Albert Camus, « Il n’y a pas d’endroit dans le monde où l’homme est plus heureux que dans un stade de football ». Des lignes écrites, il est vrai, à une époque où la violence, la corruption, l’argent et la politique n’avaient pas encore perverti le sport, au même… « stade », qu’aujourd’hui. Mais peut-être Camus, grand amoureux de football, aurait gardé le même avis, s’il avait vécu assez longtemps pour voir jouer Maradona, au faîte de sa gloire !