La chronique de Denis Pittet – Eoliennes dans un parc naturel
Jorat : on protège ou pas ?
Le dicton dit quelque chose comme ça : « Reprendre de la main gauche ce qu’on a donné de la main droite ». A Lausanne existe une autre version de ce proverbe : reprends de la main gauche ce qu’on a donné de la main gauche… Mais de quoi s’agit-il ? Peut-être de savoir si la direction des Services industriels parle avec la direction du logement, de l’environnement et de l’architecture ? Mais de quoi s’agit-il ? Il s’agit de deux projets, EolJorat Sud et du Parc naturel du Jorat. En plus clair, du projet d’implanter 7 éoliennes dans la forêt lausannoise du Jorat et du second parc naturel périurbain reconnu comme d’importance nationale, lui aussi dans le Jorat. Vous suivez ?
Allez sur les deux sites officiels des entités concernées. (www.eoljoratsud.ch et jorat.org). Lisez attentivement les arguments en faveur des projets et promis, soit vous allez vous marrer, soit vous allez ressentir comme un malaise. Emanation directe de la commune de Lausanne, les éoliennes et le parc du Jorat développent des arguments qui sont tous et évidemment totalement positifs pour ne pas dire jubilatoires. Sauf que. Il y a quand même un petit problème. Il faudra qu’on m’explique comment la même collectivité publique qui met sous cloche une forêt entière avec une zone intouchable, inviolable, bientôt surveillée et inaccessible pour préserver les bois morts, la beauté des cimes, les fourmis, les grenouilles et les champignons mène un autre projet qui veut ériger des éoliennes de 200 mètres de haut dans le même périmètre du parc naturel ? Y’a comme un hiatus, quelque chose qui cloche et qui sonne faux, une erreur philosophique, voire éthique. Soit on préserve, soit on construit dans ce site, mais pas les deux.
Une grande partie des bois du Jorat est certes lausannoise, mais pas que. On sait d’ailleurs les problèmes qu’a rencontré le projet de parc naturel avant d’être finalement redimensionné et porté sur les fonds baptismaux. Les éoliennes rencontrent autant d’oppositions. D’ordre technique ou émotionnel. C’est un débat connu et sans fond : tout le monde est pour les éoliennes, mais pas dans son jardin.
Juge et partie, Lausanne joue avec les règles de son jardin – ce qui est son droit – mais joue de ces règles de façon complètement contradictoire. Encore une fois, on ne peut pas protéger de façon si rigoureuse une zone magnifique et balayer d’un revers de main les principes posés à cette occasion. « Ça ne joue pas cette histoire » comme disent les Vaudois.
Une longue bataille juridique va continuer dès que Lausanne aura mis à l’enquête ses éoliennes, ce qui est imminent. Cette bataille finira peut-être à l’échelon fédéral. Le même échelon qui a consacré le parc. On se réjouit de voir quelle cohérence juridique sera appliquée à tout ce chenit.