La chronique de Denis Pittet
JO de 2038 : la Suisse doit dire pourquoi et pas comment !
La Suisse (une partie du moins) rêve toujours de Jeux olympiques d’hiver. Pourquoi pas. Il faut y croire après la baffe prise par le projet de 2030 (officiellement nommé 203X et on verra avec raison) en novembre dernier. Il ne faut jamais se leurrer : le CIO choisit ce qui l’arrange le mieux, sans beaucoup d’états d’âme, même vis-à-vis des gens les plus sympathiques… C’est une chose essentielle à comprendre.
La preuve ? Le CIO a attribué sans froncer le moindre des sourcils les JO d’hiver 2034 dans la foulée à Salt Lake City. La Suisse, – c’est une évidence – a reçu la médaille en chocolat avec une promesse de dialogue ciblé où elle seule aura voix au chapitre pour les JO de 2038, mais seulement jusqu’à fin 2027. C’est dire la complexité de la chose, puisque dès 2028, si la Suisse n’a pas convaincu, les JO pourront être attribué – toujours sans état d’âme – à quelqu’un d’autre. Soyez bien convaincus que le CIO n’hésitera pas à bouder notre pays si quelque chose ne va pas dans son sens.
Ici, il convient de faire un brin d’histoire récente. En 2014 encore, notre pays comptait 5 membres du CIO et pas des moindres. Voyez plutôt : Gian Franco Kasper, Denis Oswald, Sepp Blatter, René Fasel et Patrick Baumann. Soit – excusez du peu – dans l’ordre et en 2014, président de la Fédération internationale de ski, président de la Fédération internationale des sociétés d’aviron mais surtout membre important du CIO (commission disciplinaire du CIO entre autres), président de la Fédération internationale de hockey sur glace et enfin secrétaire général de la Fédération internationale de basketball. Aujourd’hui, dix ans après, les circonstances font qu’il n’en reste que deux : Denis Oswald et Gianni Infantino.
Dans un processus de candidature olympique – peu importe sa forme, ancienne ou nouvelle – il y a deux choses à faire avant toutes autres : convaincre la population et… convaincre les membres du CIO. Ni plus, ni moins. Il y a plein d’accessoires : un budget, un financement, connaître l’administration du CIO, des sites cohérents pour ne citer que quelques exemples.
Force est de constater que la Suisse est d’une extrême faiblesse par rapport à son réseautage aujourd’hui. Les relais (les 5 membres de 2014) n’existent plus au sein du CIO. Pire : la candidature de 2038 a tout pour tomber dans le formalisme excessif de la grande administration fédérale. C’est ce qui a coûté sa défaite à Sion 2026. Ajoutez enfin l’arrivée d’une ou d’un nouveau Président du CIO en avril prochain dont on ne sait strictement rien de ce qu’il ou elle fera de Lausanne et du siège et vous voyez alors que la tâche s’annonce lourde et difficile pour le nouveau patron de la candidature, Frédéric Favre.
L’équilibre entre la place des politiques, incontournables mais lourds à gérer, le sport, le projet lui-même, les intérêts des cantons, la lenteur de la Confédération et le fait qu’il faut des plombes et des kilos de classeurs fédéraux pour avoir une petite certitude, quand ce n’est pas trop tard, font penser que la flamme ne brille pas encore en 2038.
Une dernière chose enfin est que Sion 2026 n’a jamais su faire et qui est pourtant l’ingrédient incontournable d’une candidature : il faut raconter une histoire.
Cette histoire doit « simplement » dire pourquoi nous voulons les Jeux.
Pourquoi. Pas comment.