Il y a trente ans disparaissait la star Marlene Dietrich
Pierre Jeanneret | Maria Magdalene Dietrich naît en 1901 à Berlin. C’est un fait incontestable. En revanche, il ne faut pas trop se fier à son autobiographie publiée en 1961, qui est remplie de mythes et d’affabulations… En 1921, choisissant de devenir actrice, elle s’inscrit à l’école dramatique du grand metteur en scène Max Reinhardt. Pendant quelques années, elle enchaîne films, pièces et revues, dans l’atmosphère très libérée de la République de Weimar avant la grande crise économique de 1929. Mais ce qui va être déterminant, c’est sa rencontre avec le réalisateur Josef « von » Sternberg, né en réalité, comme le célèbre acteur Erich « von » Stroheim, dans une modeste famille juive. Sternberg a déjà derrière lui une brillante carrière à Hollywood. En 1929-1930, il tourne à Berlin le premier film « parlant » allemand, Der blaue Engel (L’Ange bleu), d’après le roman Professor Unrat de Heinrich Mann (le frère de Thomas Mann). Le film montre la déchéance clownesque d’un vieux professeur de lycée, qui finira par pousser un « Kikeriki » (cocorico) sur scène. Il est totalement sous l’emprise d’une belle fille gouailleuse, à la fois digne et vulgaire. Ce rôle de Lola-Lola est interprété avec génie par Marlene Dietrich, avec un érotisme qui fascine, notamment quand assise, jambes et cuisses nues, elle chante Ich bin von Kopf bis Fuss auf Liebe eingestellt.
Ce film est incontestablement l’un des tout grands films allemands, à côté de Metropolis de Murnau et M le Maudit de Fritz Lang, avant la nuit noire du nazisme. Marlene devient alors une star internationale et un véritable mythe. Dans plusieurs autres films qu’elle va encore tourner avec Josef von Sternberg, elle assume ce rôle de femme fatale androgyne revêtue d’un frac masculin. Citons notamment Shanghai Express de 1932 et The Scarlet Empress (L’Impératrice rouge), où elle interprète Catherine II de Russie au milieu de son régiment d’amants. Marlene est liée au réalisateur par une relation amoureuse qu’on peut qualifier de sadomasochiste sur le plan psychologique. En même temps, elle multiplie les liaisons. Après la séparation avec Josef von Sternberg, elle et lui ne cesseront hélas pas de dénigrer l’autre…
Détestant le nazisme, elle quitte l’Allemagne pour les Etats-Unis et prendra même en 1939 la nationalité américaine. Pendant toute la guerre, elle s’engage aux côtés de l’US Army, avec la mission de soutenir le moral des combattants. C’est dans ce cadre qu’elle chante la fameuse chanson Lili Marleen, dont on oublie souvent qu’elle fut d’abord composée à l’attention de l’Afrikakorps, avant d’être reprise par les troupes alliées. Elle participe aussi à l’accueil des rescapés du nazisme, juifs ou non. Cet engagement sans faille contre l’hitlérisme lui vaudra en 1947 la plus haute distinction nationale civile américaine, la médaille de la Liberté. Elle est la première femme à l’obtenir. Elle obtiendra aussi le grade de Commandeur de la Légion d’Honneur.
Pendant la guerre, elle commence une liaison passionnelle avec Jean Gabin qui, lui, a quitté son pays en 1940 après la débâcle pour rejoindre la France Libre. Il participera d’ailleurs à la libération de Paris, avec la 2e Division blindée de Leclerc. Marlene Dietrich va tourner encore de nombreux films, notamment A Foreign Affair (La Scandaleuse de Berlin), où elle incarne une Allemande compromise avec le nazisme qui, pour survivre dans les ruines de Berlin, séduit des officiers américains. Cela n’est pas pour plaire à une grande partie des Allemands, notamment les nostalgiques du nazisme. Elle est assez mal reçue en 1960 dans son pays d’origine, où elle fait une tournée. Certains la traitent de « traîtresse ». La même année, elle fait une autre tournée en Israël, où elle est la première à oser chanter en allemand. Elle y obtient un triomphe.
La fin de sa vie sera assez triste. Après s’être fracturé en 1979 le col du fémur, l’idole, devenue impotente et assez aigrie, ne bougera plus de son appartement parisien, gardant le lit jusqu’à sa mort en 1992, tout en restant présente sur le plan médiatique. Son corps est enterré dans un cimetière de Berlin.
Terminons par ces mots que l’écrivain Ernest Hemingway a écrit sur elle en 1952 : « Si elle n’avait rien de plus que sa voix elle pourrait vous briser le cœur avec. Mais elle a ce corps magnifique et le charme intemporel de son visage ». Marlene Dietrich restera éternellement dans l’histoire comme l’actrice sublime de L’Ange bleu, l’interprète fascinante de chansons comme Ich bin die fresche Lola ou Lili Marleen, et comme l’incarnation même de la vamp séductrice.
Source principale : Jean Pavans.
Marlene Dietrich, Gallimard, Folio biographies , 2007, 263 p.