C’est à lire
L’UDC vaudoise sous la loupe d’un historien radical
Le prolifique historien Olivier Meuwly nous livre un nouvel opus consacré au PAB/PAI/UDC, des origines à nos jours. Comme toujours, son ouvrage est solidement étayé sur de nombreuses sources. Bien que commandité par le parti «agrarien» à l’occasion de ses 100 ans d’existence, il reste distancié et on peut louer le souci d’objectivité de l’auteur, même si certaines de ses interprétations sont discutables. Meuwly montre bien que le PAB suisse (Parti des paysans, artisans et bourgeois), de ses débuts en 1917 aux années 1960, s’est constitué par opposition au Parti radical alors tout-puissant: volonté de fonder un parti défendant en priorité la paysannerie qu’il juge délaissée par ce dernier, lutte pour le système proportionnel aux élections législatives adopté en 1919 pour le Conseil national, mais qui ne sera instauré que beaucoup plus tard pour le Grand Conseil vaudois.
En même temps, le PAB au niveau national offrait un mélange de conservatisme, d’antimatérialisme rural opposé aux villes « décadentes » et de virulent antisocialisme. Une section cantonale vaudoise est fondée en 1921. Elle va éditer un journal, Le Pays vaudois. Lors des années 1930 – celles de la crise économique – elle va paradoxalement se rapprocher de la gauche socialiste: ce qui les unit, c’est surtout leur combat commun pour la proportionnelle, et aussi un certain anticapitalisme. Cela même si certains, dans le parti, se laissent tenter par l’extrême droite, voire le fascisme. Ainsi, il invite à voter en 1937 pour l’interdiction de la franc-maçonnerie, initiative qui sera rejetée au niveau national. Le parti, tant suisse que vaudois, a bénéficié de la présence dans ses rangs de fortes personnalités, dont il est malheureusement impossible de mentionner ici tous les noms. On fera une exception pour celui du député Charles Bettens, grand défenseur du
suffrage féminin, accordé aux Vaudoises en 1959, et en 1971 seulement au niveau
fédéral !
En 1955, le parti change de nom et devient le PAI (Parti des paysans, artisans et indépendants). Il se rapproche par étapes des partis bourgeois, pour finir par former avec eux l’Entente vaudoise. Il obtient grâce à cette alliance un premier conseiller d’Etat en la personne de Marc-Henri Ravussin. Cependant, le PAI a de la peine à s’imposer dans les villes. Et il reste une formation politique presque exclusivement masculine. Olivier Meuwly montre bien les débats qui animent et parfois divisent le parti, sur la question européenne, sur l’aménagement du territoire (initiative Delafontaine en faveur de la création de zones agricoles), pour ou contre l’initiative Sauver Lavaux, sur les initiatives xénophobes lancées par un certain Christoph Blocher qui monte en puissance, ou encore sur le thème du nucléaire.
Force est de constater que le PAI vaudois s’essouffle, il est en perte de vitesse, avant qu’il n’adhère dans les années 1990 aux thèses blochériennes, malgré quelques réticences, surtout verbales, face aux outrances, et notamment à certaines affiches, de l’UDC suisse. On voit que l’auteur éprouve peu de sympathie pour ce courant… C’est néanmoins l’adhésion au populisme et au néoconservatisme blochérien qui relance le PAI vaudois, devenu UDC, et lui ouvre un électorat urbain. Il s’opère donc dans le parti un net virage à droite.
Le livre d’Olivier Meuwly est riche d’enseignements et de lecture agréable. Deux réserves cependant. Sur le fond, on aurait pu attendre de l’auteur qu’il entre davantage dans les entrailles du parti et montre comment ses membres vivent leur appartenance à celui-ci, non seulement sur le plan politique mais aussi convivial et personnel.
Quant à son style d’écriture, que nous qualifierons de « fleuri », on l’apprécie ou non. L’emploi assez systématique de termes à connotation ironique, voire dépréciative, lorsqu’il s’agit des socialistes et même du PAI, peut agacer. On a en revanche l’impression que le Parti radical, lui, a toujours fait tout juste…
Olivier Meuwly, L’UDC vaudoise 1921-2021
De l’opposition paysanne au néoconservatisme, Infolio éditions CH, Gollion, 2022, 223 p.