Héritage ou emprunt
Arvid Ellefsplass | Des vignes que l’on croirait plantées sur la dune du Pilat, des grains de raisins qu’il suffirait d’emballer pour les vendre comme raisin sec, une terre tellement sèche que l’automobiliste crie « au feu ! » devant le nuage de poussière rouge soulevé par le paysan qui passe la herse, des lits de rivières bétonnés par l’inexistence prolongée d’eau et l’odeur fétide que dégagent les poissons en décomposition… autant d’épisodes vécus devant lesquels même les nuages menaçants s’écartent sans une larme.
Vision pré-apocalyptique et pourtant bien réelle qui n’est que la conséquence d’une politique environnementale qui, si elle n’est pas inexistante, n’en est pas moins résolument obsolète.
Une nature mise en esclavage afin de livrer à l’autoproclamé Maître des Lieux ses produits les plus divers. Rendements optimisés jusqu’à l’épuisement, l’esclave rechigne et se rebelle. Les fruits ne poussent plus, la pluie ne pénètre plus la terre, les rivières ne coulent plus malgré la fonte des glaciers et l’énergie vient à manquer.
La Confédération émet ses alertes au black-out électrique en plein boom du… tout électrique. Vélo, trottinettes et voitures électriques rassurent soudainement beaucoup moins mais apaisent tout de même la conscience du bien-pensant. C’est un total contre sens.
La politique environnementale basée sur une transformation de la nature est caduque. Les forêts font des planches de construction ou du bois de chauffage, les rivières font de l’énergie. Canaliser ces aspects de la nature vers l’usage de produits spécifiques et monnayables est la négation même de la nature.
L’humain est lui-même partie prenante de cet écosystème. Il cueille, cultive et récolte mais à l’échelle industrielle qui est devenue la nôtre, l’être humain a perdu son humanité. Nous considérer comme hôtes de cette planète devrait induire une nouvelle politique de l’environnement beaucoup plus globale et consciente. Dans un premier temps, un retour vers la modération sera imposé par la force des choses, dans un second temps – il est permis de rêver – une gestion respectueuse des ressources devra transformer la politique environnementale.
Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants.