Exposition – Les lumières de Venise et de l’Orient
Evian invite à la redécouverte du peintre Félix Ziem
Qui a retenu le nom de Félix Ziem (1821-1911) ? Pourtant cet artiste connut succès et célébrité à son époque. Très mondain, il fréquentait la haute bourgeoisie et l’aristocratie susceptibles d’acheter ses œuvres. Il acquit ainsi une grande fortune. Puis il fut assez vite oublié. Or l’exposition du Palais Lumière met en valeur ses grandes qualités picturales. Une première salle est consacrée à ses débuts, où il se montre admirateur de Rembrandt, de Claude Gelée dit Le Lorrain et de Turner. Puis il voyage énormément, et surtout dans le Sud, tout autour de la Méditerranée. Et c’est là qu’éclate sinon son génie, du moins son indubitable talent. Il cherche surtout à capter les lumières, en particulier celles du lever du jour et du crépuscule rougeoyant. En cela, il est un peu à la Méditerranée ce que François Bocion est à notre lac Léman. Si ses vues de Venise ne sont pas en elles-mêmes très originales par leurs sujets, (le campanile, la place Saint-Marc, la Giudecca, l’église de la Salute), elles rendent parfaitement la vibration des rayons solaires sur l’eau de la lagune ou des canaux. En cela, il annonce les toiles plus audacieuses de Claude Monet.
Félix Ziem a connu l’Algérie, l’Egypte, le Liban et la Turquie. Ce sont ses vues de ce pays, alors l’Empire ottoman, et notamment celles de Constantinople, qui lui ont valu l’épithète de peintre « orientaliste ». Certes, il participe à l’engouement général pour un Orient fantasmé. Mais dans ses tableaux, pas d’odalisques lascives au corps blanc, qui répondaient au cliché de la sensualité des femmes orientales ! Ce qui l’intéresse, à nouveau, ce sont les lumières faisant miroiter les eaux, avec au loin, dans la brume, les grandes mosquées érigées de minarets. Ziem est donc bien un orientaliste, mais pas au sens d’un créateur de rêveries sexuelles style Second Empire. Notons que des extraits de films tournés au tournant des 19e et 20e siècles permettent de s’imaginer la vie festive à Venise ou dans la capitale de cet Empire ottoman fabuleux, mais alors en pleine décadence.
L’immense production de Félix Ziem (plus de 10’000 dessins et 6000 peintures !) dont le Palais Lumière offre un riche échantillonnage, est par ailleurs très variée. Ami des peintres de l’Ecole de Barbizon, il a représenté aussi la forêt de Fontainebleau, surtout dans ses belles aquarelles tout en nuances de coloris. En revanche, il n’aimait pas Paris. Il ne s’y rendait que pour mieux vendre ses tableaux, car c’est là que se trouvaient les galeries et sa clientèle fortunée. C’est le Sud qui l’attirait, comme le montrent aussi une série de toiles réalisées dans les environs de Marseille.
Mais ce que retiendra surtout le visiteur, ce sont ses vues de Venise au crépuscule ou au clair de lune, ou encore la caïque, bateau d’apparat de la sultane, voguant sur le Bosphore. De quoi faire rêver à un monde en partie disparu, mais dont les prestigieux et majestueux édifices continuent à susciter notre envie de voyages.
« Félix Ziem 1821-1911. Saisir la lumière »,
Palais Lumière, Evian-les-Bains, jusqu’au 21 avril