Evoquer le cancer du sein par l’art
Des Seins à Dessein, dans sa 5e édition, n’est pas une simple exposition d’art
Toutes les œuvres présentées sont à vendre, 50 % de leur prix ira aux artistes, 50 % à la Fondation Delacrétaz, active contre ce fléau qui touche trop de femmes. L’exposition n’est cependant nullement morbide, elle évoque autant la maladie que la lutte, l’espoir, la rémission, la guérison, la résilience, et malheureusement parfois aussi la mort. 48 créateurs et créatrices y ont participé. Il n’est pas possible d’évoquer tous leurs noms ici ! Plutôt que de les citer, on mentionnera plutôt diverses démarches artistiques. Certaines recourent résolument à l’art abstrait, et le message proposé n’est pas toujours évident. Mais en art est-il absolument besoin de « comprendre » ? Il faut se laisser aller à ses impressions et à son ressenti, ainsi que, dans le cas présent, à sa propre perception de la maladie. D’autres œuvres sont plus figuratives, sans que les représentations mammaires ne deviennent jamais obsessionnelles et répétitives. Relevons, de manière très subjective, quelques-unes de ces créations qui nous ont marqué.
Dans la première salle du rez-de-chaussée, on remarquera immédiatement une sculpture en trois exemplaires de Manon Wertenbroek (bois recouvert d’une enveloppe translucide), qui a la forme d’un sein, et aussi d’une épine. Fragilité du corps, capacité de résistance du corps mais également sa vulnérabilité ? Artiste fort connue aujourd’hui décédée, Francine Simonin impressionne toujours par ses figures féminines tout juste esquissées d’un dessin vigoureux à l’encre de chine sur papier japon. Il en va de même avec la grande peinture de Ser Serpas, qui rappelle l’art du graffiti. Léonie Vanay étonne par ses sculptures faites de divers métaux et autres matériaux, qui évoquent clairement la « potence » suspendue au-dessus d’un lit d’hôpital ! A l’arrivée de l’escalier qui mène à l’étage, les trois linogravures de forme ronde de Nastasia Meyrat, représentant des visages féminins, séduisent par leur graphisme et leurs vives couleurs. Quant aux formes noires et rondes qui les parsèment, symbolisent-elles des cellules cancéreuses ? Interprétation personnelle peut-être tout à fait gratuite… Parmi les travaux plus ou moins « figuratifs », relevons celui de la designer Vanessa Schindler, qui propose un ensemble de boucles d’oreilles faites surtout de biorésine, combinables entre elles, rappelant peu ou prou la forme de seins. Au sous-sol, l’étonnant montage de luminaires de Sophie Ballmer et Tarik Hayward surprend, voire envoûte par ses formes et ses vifs éclairages obtenus grâce aux ampoules infrarouges, qui nous suggèrent, à tort ou à raison les traitements par radiothérapie. Enfin, citons une œuvre à part : l’autel, avec ses fleurs et ses bougies, intitulé « In Memory We Love », de l’artiste Helena Uambembe, une sorte de chapelle dédiée aux femmes décédées du cancer du sein, mais aussi aux soldats angolais ayant dû fuir leur pays à cause de la guerre, et engagés dans l’armée sud-africaine. C’est peut-être la pièce la plus émouvante de l’exposition, alliant tradition, deuil et espoir.
Il y aurait bien d’autres choses à dire, tant l’exposition, plus ou moins explicite selon les travaux présentés, est variée, conjuguant photographies, collages, œuvres en trois dimensions, objets détournés de leur affectation première, tels que gants de boxe (la lutte contre le mal ?) ou glaives menaçants. A voir par solidarité et pour son intérêt artistique.