Deap Vally – Femejism
Lionel Taboada | Dans une société musicale de plus en plus androgyne où le rock partouze sans complexe avec le jazz, le hip-hop ou le reggae dans une sorte de gangnam style sonico-libertaire, les demoiselles de Deap Vally s’emploient à saccager les derniers vestiges phallocrates d’une culture musicale prétendument asexuée. Avec ce nouveau disque elles foulent du talon aiguille le son du mâle et bousculent directement dans ton froc les conventions misogynes d’une industrie musicale qui oblige encore trop souvent les femmes à se justifier. Elles s’appellent Patti Smith, Joan Jett, Courtney Love et maintenant Deap Vally où quand l’émancipation féminine passe aussi par le microsillon.
Dès les premières notes du disque tu te retrouves instantanément sous le soleil étouffant de la côte californienne, et les préliminaires sonores débutent avec un «Royal Jelly» aussi rugueux que langoureux. Ce son terriblement sexuel te désinhibe le corps autant que l’esprit et te voilà te vautrant allègrement dans le stupre d’un «Smile More», alors que la délicieuse chanteuse, Lindsey, te susurre de ne pas avoir honte (I am not ashamed of my sex life, I am not ashamed I am no one’s wife). La chaleur est torride, tu transpires à grosses gouttes et ton esprit se brouille sur les premiers accords suaves d’un «Turn it Off» qui fleure bon l’asphalte cramé. Tiraillé entre la soif et l’extase, la musique s’en prend maintenant physiquement à toi avec un «Little Baby Beauty Queen» qui te plaque littéralement au sol et te laisse agonisant, un filet de bave au coin des lèvres. Quand tu reprends tes esprits, les nymphes fuzzy finissent d’exploser ta chaîne hi-fi sur un «Gonnawanna» d’anthologie, paroxysme d’une galette terriblement sauvage et sexy, au sens le plus rock’n’roll du terme. Des rockeuses de talent qui tapent là où ça fait mal… à bon entendeur les gars!
N’importe quel abruti est capable de monter sur scène, brandissant son manche (de guitare) et hurlant comme un putois avec pour seule quête très prédictible et très masculine, une adulation qui lui permettrait de garnir son compte en banque ainsi que son plumard. Cette économie de marché libidineuse remonte à la nuit des temps et se traduit par des hordes de boys bands qui tentent tant bien que mal de marquer leurs territoires sous le feu des projecteurs. Pourtant, bien malin le cerveau masculin qui pourra expliquer ce qui anime une femme qui s’expose aux lumières de la scène. La subtilité de la psychologie féminine nous échappe et c’est peu dire que de l’admettre, alors une femme qui joue de la guitare… on touche au mystère. Et si la langue de Molière a voulu qu’on dise LE rock, LE blues, LE reggae ou encore LE jazz, rappelle-toi qu’on parle de LA soul musique, ce n’est pas pour rien à mon avis!
Quoi qu’il en soit n’écoute pas ce qu’on te raconte, écoute des disques! Lionel Taboada, www.limited-music.ch