Cully – 90 ans de Louis-Philippe Bovard
C’était le vendredi 6 avril 1934 que Louis-Philippe faisait son premier sourire à ses parents Marianne et Louis Bovard.
Bien sûr que Louis-Philippe ne se souvient pas de ce moment-là, lui qui a toujours fixé son regard sur le futur, sur des lendemains amenant de nouvelles idées, de nouvelles créations, de nouvelles inventions. D’ailleurs comme son grand-père qui était un inventeur prolifique reconnu.
Mais, voilà, lorsque l’on atteint le cap de 90 années passées au bord de l’eau, lui qui dit n’avoir jamais habité à plus de 45 mètres des rives du Léman, il est parfois temps de jeter un œil dans le rétroviseur et de repasser son parcours de vie avec toutes les belles rencontres qui ont continuellement enrichis et pavés ce long chemin de vie.
Il a choisi le jour de la Saint-Louis, le dimanche 25 août 2024, en mémoire aux nombreux Louis dans la famille Bovard, pour célébrer chez lui un retour sur son passé en compagnie des amis et connaissances rencontrés sur le chemin de l’amitié et de la bienveillance. D’ailleurs, Saint-Louis n’honore-t ’il pas le roi Louis IX aimé de son peuple pour sa charité et sa sagesse.
On rembobine le film au début
Louis-Philippe avec son frère Antoine et sa sœur Anne, habitent à Cully de 1934 à 1940. Puis au hameau du Treytorrens de 1940 à 1957 et retour à Cully en 1957.
Il suit une école privée à Cully comprenant 6 ou 7 élèves jusqu’à l’âge de 10 ans avant de rejoindre l’école publique. Puis, c’est l’école secondaire au collège de Béthusy à Lausanne suivie par l’Université en obtenant une licence en droit, plus une licence HEC et de police scientifique.
Pendant que son papa Louis travaille la vigne, il entame une carrière professionnelle personnelle qui va l’emmener vers des horizons totalement insoupçonnés de prime abord.
Il fait son service militaire jusqu’au grade de major comme officier de troupes légères et c’est durant ces mois passés sous les drapeaux qu’il apprend l’allemand, ce qui lui sera très utile par la suite, y compris dans son rôle de juge au Tribunal militaire.
Il met un pied dans l’étrier des grandes organisations comme secrétaire bénévole pour l’EXPO 1964 à Lausanne où il officie dans le secteur viti-vinicole vaudois en créant la « Route du vignoble de Lavaux » partant de la Paudèze à la Veveyse en passant par les caveaux de Lutry, Epesses et Chexbres.
Sur la lancée, il devient le directeur de l’Office de vins vaudois de 1963 à 1973.
Il fut très actif dans l’organisation de la lutte anti-grêle secteur Lavaux.
En 1968, il est à la base de l’implantation des bornes marquant la limite cantonale vaudoise au bord des routes cantonales. Sur une photo-montage reprise par les journaux illustrés de Suisse on peut voir une de ces bornes avec l’écusson vaudois surmontée d’un verre de vin rouge…
En 1969, il lance le projet du Musée vaudois de la vigne et du vin au Château d’Aigle qu’il accompagnera jusqu’en 1990.
En 1973, il est nommé directeur commercial du Comptoir Suisse de Lausanne, poste qu’il occupera jusqu’en 1983.
Retour à la terre
En 1983, c’est le retour à la terre au sein du Domaine Bovard à Cully où il succède à son papa Louis.
C’est là que commence une nouvelle aventure qui dure toujours aujourd’hui, car on ne s’improvise pas vigneron et commerçant du jour au lendemain en claquant des doigts. Il faut sans cesse apprendre et inventer.
En 1991, il introduit dans son domaine le cépage Chenin blanc (qui était alors interdit), le Sauvignon blanc et la Syrah en pratiquant du surgreffage jusqu’à obtenir plus de 35’000 pieds en 20 ans. Pour atteindre les meilleures possibilités d’exploitation et de rendement de ces cépages sur son domaine, il préside l’Etude des terroirs viticoles vaudois avec l’édition d’une carte des sols qui indique à quel endroit il faut planter, ou ne pas planter, tel ou tel cépage.
Dans le souci de conserver tout l’historique du chasselas, dont environ 70 variétés ont été recensées en Suisse par Jean-Louis Simon, de Rivaz, il crée en 2010 Le Conservatoire du Chasselas au dessus de Rivaz en compagnie de Pierre Monachon, vigneron à Rivaz, et François Murisier, ingénieur agronome, diplômé de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich qui avait pris en 1993 la succession de Jean-Louis Simon comme chef de la section viticulture-œnologie de l’Agroscope Station de Changins-Wädenswil.
Sur cette parcelle de 4400 m2, propriété du Domaine Bovard, 19 variétés de chasselas sont visibles sur le bord du chemin AF. A noter une particularité du chasselas, il est reconnu comme « marqueur mondial » : un cépage est dit « précoce » s’il arrive à maturité avant lui et « tardif » s’il est mûr après lui. Le chasselas recouvre environ 35’000 ha dans le monde, principalement en Roumanie 13’000 ha et en Hongrie 6000 ha. En Suisse 3800 ha.
En plus de ses activités viti-vinicoles et commerciales en exportant des vins en Europe, aux USA et au Japon qui lui apportent de belles satisfactions comme le « vigneron de l’année 2023 » et des mentions pour 6 vins blancs secs qui obtiennent les meilleures cotations dans le fameux guide Robert Parker recensant l’élite des vins de la planète.
Et en plus de nombreuses activités
Il fut aussi président de la Société industrielle et commerciale de Lausanne et environs de 1984 à 1990. Il est également membre fondateur de la Mémoire des vins suisses et de Arte Vitis, les vignerons novateurs vaudois, ainsi que de la Baronnie du Dézaley avec Luc Massy et Jean-Paul Chaudet.
Membre du parti libéral, il a aussi été conseiller communal de 1953 à 1984, avec une parenthèse comme municipal en 1964 et 1965. Actif dans la mise en place de la station d’épuration et du groupement scolaire intercommunal.
Louis-Philippe a 2 filles d’un premier mariage en 1957 qui s’est arrêté à la veille de la Fête des Vignerons en 1977.
Et c’est précisément dans les tous premiers jours de cette fête qu’il a rencontré Anne-Christine Bachmann, celle avec qui il allait vivre un amour fusionnel et développer considérablement le Domaine Bovard qui cultive aujourd’hui 12 hectares de vignes, qui se trouvent essentiellement sur des parcelles escarpées de Lavaux. Dixième génération à se succéder à la tête du domaine, Louis-Philippe perpétue une longue tradition viticole. Avec des crus exceptionnels de conception nouvelle, comme le Salix (un chenin blanc) ou le Buxus (un sauvignon blanc), la Maison Bovard fait figure de pionnière dans la viticulture vaudoise, sans oublier le légendaire Dézaley Médinette.
En 2016, Louis-Philippe et Anne-Christine décident ensemble de créer la Fondation Bovard pour assurer la pérennité du domaine. Malheureusement, sa chère Anne-Christine est partie rejoindre les vignes du Seigneur dans le charmu d’à côté en 2021.
Et aujourd’hui, il est soutenu dans son travail par Fabio Bongulielmi. C’est lui qui est responsable aussi bien de la culture des vignes que de l’élevage des vins.
Louis-Philippe Bovard, cet homme passionné et passionnant a fait sienne la maxime de son papa Louis qui disait : sur une rivière, en nacelle, si tu vas plus vite que le courant, c’est toi qui décides où tu veux aller…
Pour certains de ses collègues vignerons, ce visionnaire allait trop vite et trop loin et il a été parfois incompris. Mais Louis-Philippe se répétait souvent un texte de René Char, poète et écrivain, disant : impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront…
Mais, avait-il des heures pour les loisirs ?
Et bien oui, cet amoureux de l’eau a bien sûr fait de la nage, de la voile, des régates sur tous les grands lacs suisses et il a même le permis de pêcheur professionnel !
Une autre passion l’a conduit régulièrement avec Anne-Christine du côté du palais des festivals de Bayreuth, en Allemagne, pour écouter des opéras de Wagner.
Et comme il faut bien de nouveaux défis, il finance Le Dictionnaire passionné de Lavaux qui sortira de presse à fin octobre 2024 !
Jean-Pierre Haenni, le syndic de Bourg-en-Lavaux, est venu lui apporté les vœux de la Municipalité accompagnés de quelques
présents bien mérités.
Merci M. Bovard pour cet extraordinaire moment passé ensemble sur le parcours de votre vie. Je vous souhaite encore plein de belles et bonnes idées.