Cinéma – Sa chose, pour le meilleur, mais surtout pour le pire
Sortie les 10, 11 et 12 juin – Au cinéma d’Oron
Il y a de cela deux semaines, Valérie Donzelli présentait L’amour et les forêts à Cannes. Le drame psychologique est le dernier opus terrifiant d’une actrice et réalisatrice résolument touche-à-tout.
Du radieux cocon au méchant coco
En 2019 sortait le loufoque Notre dame, que Valérie Donzelli réalisait tout en y jouant un drôle de cœur d’artichaut, architecte en charge du réaménagement du parvis de la cathédrale qui venait de brûler au moment de la parution du film. Dans un registre tout autre, son retour sur les grands écrans s’est fait cette année avec un drame intime mettant en scène le duo Virginie Efira et Melvil Poupaud. La protagoniste Blanche (Virginie Efira), est avant tout la partie prenante d’un cocon familial exclusivement féminin, rassurant, bienveillant et lumineux, composée de sa mère et de sa sœur jumelle (jouée elle aussi par la talentueuse Efira). Lors d’une fête, elle rencontre un homme qui la fascine, et qui bien vite l’entraîne loin de chez elle. Isolée dans une maison en forêt et enceinte, le piège du possessif et terrifiant Greg (Melvil Poupaud) se referme sur la dévouée enseignante qui perd ses droits fondamentaux au fil des minutes de films.
Amours normées et dangers
D’emblée dans L’amour et les forêts, le piège est nommé, puisque le récit est narré par Blanche à une tierce personne que l’on devine être femme de loi. Ce qui dessert la subtilité du film lui ajoute en même temps sa dose d’effroi, puisque l’on passe le film à s’inquiéter – à raison – de la suite de l’histoire. C’est que le filet dans lequel tombe Blanche, jeune femme en quête du grand amour, est suffisamment bien ficelé pour que rien ne puisse le déchirer. Greg, son mari, est un manipulateur digne d’un scénariste sans faille qui sait à tout moment comment bloquer une femme qui n’entend plus sa propre douleur. Incarné à l’écran par un glaçant Melvil Poupaud, le personnage au regard tour à tour charmant puis délétère est presque un peu trop maléfique pour être crédible. Toutefois, il permet de saisir à quel point la victime d’un amour toxique peut se retrouver sans issue, dormant tétanisée près de celui auquel elle a lié sa vie. Le film semble dès lors parler de la pression de la trentaine, qui impose à la protagoniste de se maquer au plus vite et pour toujours, quoique cela lui coûte. Les dangers des normes amoureuses sont ainsi
illustrés dans toute leur violence.
Énergie lumineuse et horizon bouché
L’amour et les forêts utilise son décor inquiétant pour symboliser la piège des rapports de manipulation. Une fois le duo installé en forêt, la luminosité des très belles images tournées sur pellicule baisse, symbolisant par l’énergie lumineuse descendante celle d’une protagoniste qui s’assombrit elle aussi. La question de la luminosité des forêts permet aussi de rendre compte de l’opposition radicale entre la tranquillité du milieu dans lequel Blanche a grandi – la mer – et la noirceur provoquée par les hautes cimes du milieu dans lequel elle est entraînée par Greg. L’horizon vu depuis le bord de mer est désormais bouché par les arbres touffus. Blanche s’éteint alors et se perd petit à petit sous les coups psychologiques, s’épuise jusqu’à devenir lambeau d’elle-même, ce que l’on voit au climax de la douleur dans une très belle scène où cette professeure de français passionnée s’accroche en larmes à sa bibliothèque alors que les cris de Greg l’assomment. « Je te veux tout à moi » lui dit-il, dans ce qui semble être pour le meilleur mais surtout pour le pire.