Cinéma – « Pamfir » de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk
Programmé au cinéma City-club de Pully après avoir été salué à Cannes, « Pamfir » est un film violent, dont le scénario ne marque pas autant que les images

Le bagarreur et la mère courage
Pamfir, c’est le surnom donné à Leonid, un père de famille bagarreur et assez cliché, à l’image du film qui porte son nom. Dans le village ukrainien dans lequel il a grandi, et où il revient après un temps passé à travailler ailleurs, il y a sa mère, qui veille de loin sur lui et ses frères. Outre cela, Leonid a fondé une famille, avec sa femme Olena, véritable mère courage traditionnelle qui supplie son mari d’arrêter la contrebande après avoir perdu un enfant à cause de ses dingueries. Pamfir ne l’écoute pas, pris dans des nouveaux problèmes d’argent, et l’histoire du film suivra le destin fatal de tant d’autres films qui veut que des femmes courages subissent sans rien y pouvoir les mauvais choix de leurs fils ou maris. Le carnaval d’hiver approchant sera ainsi, de manière assez prévisible, synonyme de renversement dramatique.
It’s all funny until someone gets hurt
Par le sous-texte de son scénario, Pamfir rappelle ainsi un triptyque de courts-métrages du réalisateur australien Nash Edgerton. Spider, Bear et Shark sont sortis respectivement en 2007, 2011 et 2021. Dans les trois, le réalisateur joue le rôle principal, à savoir celui d’un homme qui pimente sa vie de couple en organisant des blagues complexes à ses compagnes. Les blagues tournent mal, au point qu’au terme de chacun des courts-métrages, sa compagne meurt. Chaque film nous laisse ainsi découvrir la remplaçante de la précédente, ce qui est en soit très glauque, mais présenté de manière très légère. L’un de ces trois films commence ainsi sur une citation : « it’s all funny until someone gets hurt », et la citation, comme par hasard, est signée maman. Qu’il soit tourné en comédie ou en drame, le mythe de ces hommes incapables de faire des choix de vie viables, fatigue, et trouve de moins en moins de résonnance.
Lumière sur la forêt séparant la Russie de l’Europe
On l’aura compris, le scénario de Pamfir n’est pas très révolutionnaire. Néanmoins, la séance vaut vraiment le détour pour son image, et son contenu. Au niveau de la mise en scène, on saluera des très belles traversées de la forêt séparant l’Ukraine de la Roumanie. Déguisé pour le carnaval d’hiver, Leonid et son fils traversent dans la paille de leurs costumes la forêt aux couleurs désaturées. C’est dans cette forêt qu’on les voit aussi lors d’une première affaire de contrebande, courir avec leur cargaison blanche sur le dos. Là encore, l’image de la course fascine. Cette forêt représente la frontière entre la Russie et l’Europe, comme l’exprimera joyeusement un des personnages qui vient de la franchir.
Mais elle est aussi symbole de ce qui effraie la femme de Leonid, que cela soit symboliquement ou plus clairement lorsqu’ils la traversent et que cette dernière exprime ses peurs. Les plans qui prennent la forêt pour décor marquent ainsi tant par ce qu’ils représentent que par les images qui la mettent en scène. Par opposition, le reste des séquences en intérieur est éclairé presque uniquement zénithalement, ce qui écrase un peu ces personnages déjà sombres à l’écriture. L’usage fréquent de lumières de couleur permet aussi de très belles compositions. Finalement, le fait que le film soit composé presque uniquement de plans-séquence vaut aussi à Pamfir de proposer une rythmique intéressante.
« Pamfir » de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk, Ukraine, 2022
Au City-club de Pully, les 11, 12, 16, 19, 24, 25 et 26 mars 2023