Cinéma – Ours, de Morgane Frund
Journées de Soleure : réinventer le documentaire

Le festival qui représente chaque année l’actualité du cinéma suisse s’est déroulé du 18 au 25 janvier. Au programme, de nombreux documentaires réinventant la pratique, tant par la forme qu’ils prennent que par des réflexions sur le travail documentaire en tant que tel.
A Soleure, du côté des courts métrages, le programme « animalités » proposait un mélange de documentaires, de films basés sur des found footages et de fictions. Ours, de Morgane Frund, ouvrait ainsi une séance questionnant les formes que prennent l’animalité, que cela soit en observant un pigeon ou un être humain. Pour son film de diplôme, la jeune réalisatrice répond à la demande d’un cinéaste amateur, voulant que les archives filmées de ses voyages fassent l’objet d’un film. Pari compliqué que d’élever des vidéos de vacances prenant pour objet des animaux en un court-métrage. C’est néanmoins sans compter sur la découverte que fait Morgane Frund en fouillant ces archives : son protagoniste n’a en effet pas uniquement filmé des animaux aux quatre coins du monde, mais aussi des femmes, adoptant exactement la même démarche que lorsqu’il s’agit d’une bête sauvage. Prenant son courage à deux mains, la réalisatrice le confronte, pour lui parler de son sentiment de dégoût face à cette forme de male gaze plus que jamais évidente. Un court-métrage documentaire très réussi, qui a par ailleurs gagné un prix à Winterthour.
Wechselspiel, de Arne Kohlweyer et Georg Isenmann
Ours n’était pas le seul film à Soleure, à réfléchir à la pratique documentaire. Wechselspiel, de Arne Kohlweyer et Georg Isenmann, proposait de suivre la réalisation d’un documentaire sur l’écrivain Peter Stamm. A la manière du documentaire Etre Jérôme Bel (Sima Khatami, Aldo Lee, 2019), le film retrace comment le réalisateur et la réalisatrice sont progressivement instrumentalisés par leur sujet, qui écrit leur histoire dans le roman auquel il travaille. Si l’idée – qui semble être très prisée actuellement – de montrer les coulisses du documentaire, est intéressante et fournit un certain ressort comique au film, son artificialité trop grande dégrade un moyen métrage qui aurait pu être plus réussi.
Le dugo, Manuel von Stürler
Wechselspiel était présenté avec Le Dugo, court-métrage documentaire restituant l’âme d’un lieu en le faisant parler : un bar de quartier à Marseille, au temps du Covid. Le café s’exprime en « voice-over », sur les images des employés en train de réhabiliter les lieux après le confinement. Le film va droit au but tout en proposant de belles images et de la finesse, dans une forme globale bien pensée.
Sur le pont, de Fred et Sam Guillaume
Finalement, le documentaire est réinventé voire sublimé par deux frères vaudois, Fred et Sam Guillaume, qui ont mené des entretiens avec des gens en fin de vie pour discuter de leur mort imminente. Au lieu de montrer simplement des images de ces interviews, ils décident de dessiner des personnages au moyen de la rotoscopie pour donner corps à ces voix, et les faire embarquer dans un train en route pour un pont synonyme de terminus. Une idée géniale, couplée d’une esthétique à couper le souffle.