Cinéma – Le chanteur transcendé et le vendeur de fumée
Elvis Presley au Cinéma d’Oron, les vendredi 29, samedi 30 et dimanche 31 juillet, à 20h
Le gardien du jeu
Charlyne Genoud | La vie et l’œuvre d’Elvis Presley se conjuguent dès cette semaine dans le biopic luxuriant réalisé par Baz Luhrmann. Lui qui créait l’adaptation cinématographique de Gatsby le magnifique en 2013 revient ainsi sur le devant de la scène avec cette mise en image d’une vie plutôt que d’un livre. Pour autant, cela ne nous empêche pas de parler ici d’une véritable lecture personnelle illustrée. L’axe que choisit d’adopter Luhrmann est original. Dès le début en effet, plutôt que de raconter chronologiquement la vie de l’icône américaine, un personnage se détache des autres pour être à la fois dans le récit, et en même temps sa voix over. Son rôle n’est pas des moindres pour le destin de Presley, puisqu’il s’agit de son manager, le colonel Parker (incarné par Tom Hanks), sujet de nombreuses controverses après la mort d’Elvis. Dès ses premiers mots, il s’agit ainsi pour lui de se défendre, par des propos qui le placent immédiatement du côté des méchants. Alors que la vie d’Elvis n’a pas encore commencé d’être contée, le voilà déjà qui dit amèrement ne pas l’avoir tué. Détenteur des fils d’une marionnette du show-biz, son introduction donne le ton à un film glauque, qui ravive chez son public le dégoût du star system, qui isole une personne sur une scène jusqu’à l’achever.
De Memphis à l’International
Le film se concentre ainsi de manière presque égale sur la star et sur son manager, joueur compulsif endetté, qui édicte habilement les règles du jeu pour la carrière de son protégé, quoique le mot soit ironique dans un tel cas. Très manichéen, le film s’attelle en effet à démontrer comment le jeune Presley, sorte de bon pauvre rousseauiste des années 50, est transcendé dès son plus jeune âge par la musique qui abonde dans son quartier de Memphis. La restitution de l’ambiance musicale de Beale street vend du rêve : le berceau du blues vit au rythme des concerts et scènes ouvertes. En même temps, la ségrégation raciale est sans cesse thématisée. Elvis incarne ainsi dans le film de Luhrmann une sorte de héros capable de mélanger des rythmes et des styles au-delà des appartenances raciales. Par opposition, le colonel Parker est un capitaliste rusé et vicieux, qui s’attelle à enfumer les gens comme il aime à le dire: à leur vendre des émotions qui s’évaporent une fois le rideau tombé. Sa marionnette Elvis chante avec tout son corps, ses trémoussements provoquent des scandales. Cette énergie fascinante, transformée en machine à sous par le colonel lorsqu’il fait travailler Elvis à l’hôtel international de Las Vegas, devient ainsi petit à petit inregardable et insoutenable tant elle est synonyme d’épuisement et d’exploitation. « Quand tu es perdu, les gens en profitent ».
ELVIS, Fiction, Baz Luhrmann
USA, 2021, 159′, VF 12/14 ans
Les ve 29, sa 30 et di 31 juillet, à 20h