Gustave Buchet, un peintre vaudois qui a adhéré à la modernité
Musée cantonal des Beaux-Arts, Plateforme 10, Lausanne, jusqu’au 25 septembre


Pierre Jeanneret | Le Musée cantonal des Beaux-Arts (MCBA) à Lausanne, sur le site de Plateforme 10, présente une belle exposition rétrospective consacrée à Gustave Buchet (1888-1963). L’un des intérêts de celle-ci est qu’elle montre bien l’évolution de l’artiste. A Genève, il est d’abord dans le sillage de Ferdinand Hodler, ce dont témoignent ses premiers tableaux. On peut voir aussi une grande toile symboliste L’éternel printemps, encore très hodlérienne. Mais, à Paris dès les années 1910, il se libère vite de l’emprise du maître bernois. Il se relie à l’avant-garde, à travers le cubisme et le futurisme, sous l’influence notamment d’Ossip Zadkine, ainsi que de Robert et Sonia Delaunay. Avec un passage par le mouvement Dada, né pendant la grande boucherie de 1914-1918 et qui tourne en dérision toutes les valeurs culturelles du monde d’avant-guerre, Buchet passe par étapes de la figuration à l’abstraction, comme en témoigne son Autoportrait de 1917. Quant à sa Mise au tombeau abstraite de 1918, elle fait presque scandale! Ses gravures érotiques relèvent elles aussi d’une volonté de provocation dans laquelle il se plaît. Le peintre s’est toujours réclamé de la totale liberté de l’artiste. Il s’imprègne également du futurisme. Rappelons que ce mouvement, fondé par Marinetti en 1909, rejette le monde ancien et exalte la modernité, la machine, la vitesse, l’énergie vitale. Il aura une certaine influence sur le fascisme italien, mais il a aussi inspiré Fernand Léger qui, lui adhérera, au Parti communiste français.
La deuxième salle de l’exposition montre la forte influence sur Buchet du purisme de Le Corbusier et Amédée Ozenfant. Ce mouvement, profondément marqué par le machinisme moderne, se réclame d’une peinture régie par la règle et le compas. Les compositions rigoureuses du Vaudois, alternant lignes droites et courbes, ainsi que formes géométriques, ont donc quelque chose de mathématique. Il privilégie des couleurs dans le brun-ocre, le noir et le gris. De ces années vingt datent aussi ses sculpto-peintures en plâtre coloré, un projet de décor de théâtre cubiste et un sac en laine brodé.
Puis l’artiste revient à une certaine figuration, cependant réduite à l’essentiel, qui atténue ce que ses compositions strictement abstraites avaient d’un peu répétitif. C’est donc la section de l’exposition qui sans doute plaira le plus au grand public. On reconnaît dans ses toiles des bâtiments (étrangement vides et qui rappellent Giorgio de Chirico), des bateaux comme dans Pont et remorqueur, ainsi que des objets : bouteilles, pinceaux, flûtes à champagne, livres, les pipes de ce grand fumeur, mais réinterprétés par le peintre. De cette période datent aussi ses célèbres nus féminins qui, tels des statues antiques privées de leurs têtes et de leurs bras, se bornent à des torses hiératiques. En 1939, Buchet retourne définitivement à Lausanne, où sa peinture est diversement accueillie : le pudique public vaudois est choqué par l’érotisme qui se dégage de ses nus sensuels, tandis que d’autres lui reprochent d’avoir atténué et rendu plus humain son cubisme… Dans ses dernières décennies de création, il renoue avec des couleurs plus chaudes.
Gustave Buchet est donc l’un des rares peintres vaudois à être sortis d’une peinture figurative assez traditionnelle et avoir adhéré à l’avant-garde artistique. Mais cet aspect de sa production audacieuse, la plus intéressante dans son parcours, ne fut vraiment redécouvert qu’après sa mort.
« Gustave Buchet. Accusé de peindre », Musée cantonal des Beaux-Arts, Plateforme 10, Lausanne, jusqu’au 25 septembre.



