Cinéma – « La ligne » de Ursula Meier
Au cinéma d’Oron les samedi 21, à 18h et mardi 24 janvier, à 20h

Après une pause de quatre ans, Ursula Meier revient sur les grands écrans avec succès puisque son film La ligne était en compétition à la Berlinale 2022. Dans son dernier opus, la réalisatrice franco-suisse utilise la topographie du Chablais pour cartographier les liens d’une famille dysfonctionnelle.
Mettre en scène une limite
Au Bouveret, là où prend place l’histoire de La ligne, l’horizon semble bouché. Margareth, jeune trentenaire aux accès de violences coutumiers, frappe violemment sa mère à l’occasion d’une réunion de famille. Elle se voit sommée d’une mesure de distanciation de trois mois par un juge, en attendant son procès. Sa petite sœur Marion décide alors de tracer physiquement à la peinture une frontière que sa sœur a l’interdiction de pénétrer. Le film gagne en conceptualité par cette idée assez géniale de mise en scène, qui orchestre tout le récit ensuite par les allées et venues des personnages autour de la ligne en question, qui devient bien vite lieu de réunion de la benjamine et de l’aînée. La ligne propose ainsi une réflexion sur la famille, dans le décor que forment les petits pavillons typiques des quartiers résidentiels, qui posent en eux-mêmes la question de ce qu’est la famille moderne.
Drame au féminin
Dans ce drame familial quasi exclusivement féminin (mis à part quelques personnages masculins anecdotiques et par là même assez comiques), chacun tente de fuir à sa manière la cellule familiale et sa toxicité. La mère Christina (Valeria Bruni-Tedeschi, dont on entendait récemment parler pour la réalisation de son film Les amandiers) se réfugie dans des relations sans lendemains au mépris du bon fonctionnement du système familial. Sa fille Margareth trouve sa voie dans la musique, notamment aux côtés de son ancien compagnon incarné par Benjamin Biolay, ce qui donne lieu à une très belle séquence musicale entre les deux, où ils entonnent une chanson nommée Le passé composée exprès pour le film par Biolay. Lucie, la cadette, est un peu une outsider de cette famille mélomane, puisque sa vie tourne autour de la création de sa propre famille, avec son mari que l’on sera surpris de voir incarné par un Thomas Wiesel bien loin de sa persona publique. La benjamine Marion trouve quant à elle l’amour et l’attention qui lui manquent dans son rapport à Dieu.
Espoirs déçus
Le scénario place en face à face les membres d’une famille que le lien à la musique réunit en plus du lien de sang. Christina était pianiste, une carrière avortée au moment de la naissance de sa fille. Margareth est tout aussi talentueuse, mais torturée par des émotions qu’elle ne gère pas. Le lien à la musique reflète ainsi un rapport à l’échec, aux ambitions de gloire et aux espoirs déçus des personnages que le décor du Chablais, dans toute sa grisaille et son manque d’horizon, reflète avec brio.
LA LIGNE, fiction d’Ursula Meier, Suisse, 2021, 103′, VF, 12/14 ans


où ils chantent en souvenir de leur passé commun