Cinéma – Joan Baez :
I Am a Noise
Joan Baez se raconte dans un documentaire réalisé par Miri Navasky, Maeve O’Boyle et Karen O’Connor. Du récit de vie fascinant qu’elle tente d’expliciter se dégagent des pistes pour un documentaire passionnant. Malheureusement, l’œuvre collective qu’est I am a Noise reste en superficie.
Nouvel opus du maudit génie
I Am a Noise s’attelle à faire le portrait d’une famille : les trois sœurs Baez et leurs parents. Il s’attelle aussi à parler des troubles psychiques de Joan, de ses amours, de son intérêt pour la politique et le militantisme. Le documentaire se préoccupe dès lors plus de la femme que de l’artiste, si bien que sa musique disparait un peu derrière ce qui s’apparente presque à du potin.
Alors qu’il aurait semblé pertinent de parler de démarche artistique (ou au moins de mettre en lien l’œuvre et la vie), le long-métrage s’attache vainement à narrer les difficultés psychiques de sa protagoniste, sans jamais les lier à ses productions. Le mythe du génie torturé est ainsi une nouvelle fois illustré, sans que le documentaire crée quelque chose de singulier – bien qu’il aurait eu de la matière pour le faire.
La vie privée, publique et secrète
Le projet de I am a Noise est énoncé dès son commencement : il s’agit de réunir en un film les trois vies de la chanteuse folk bien connue des années 60 et 70. Trois vies, à savoir la vie publique, la vie privée et la vie secrète, comme le souligne une citation de Gabriel Garcia Marquez mise en exergue au début du film. Si le projet semble pertinent et bien axé, il pêche malheureusement par sa superficialité et sa tendance à tomber dans le lieu commun malgré l’originalité de la vie qui nous est racontée.
Imager le présent et remonter le passé
Joan Baez en personne aujourd’hui, assise dans sa cuisine, narre sa vie pour structurer le récit. Ce talking head a l’intérêt minime de présenter le recul qu’elle a sur son passé. La mise en image de sa vie actuelle est par ailleurs injustement négligée (le manque de soin ne sert même pas une sorte d’instantanéité du moment, il semble tout bonnement dénué d’inventivité). Les images d’archive de la carrière de Baez, présentes d’un bout à l’autre du long-métrage, sont néanmoins très appréciables. Belles et bien assemblées – contrairement aux images contemporaines – ces dernières permettent de voguer dans l’époque de sa célébrité.
Les occasions manquées d’un documentaire
I am a Noise apparait ainsi comme une suite d’occasions manquées : le récit d’une sœur tapie dans le silence parce que sa frangine occupe l’espace sonore de toute l’Amérique du Nord aurait pu être un sujet passionnant. Il en va de même pour l’idée de ce qu’a pu représenter la voix de Joan pour toute une génération. Elle dit avoir eu « la bonne voix au bon moment », elle parle ensuite du moment où sa voix s’est mise à changer : tant d’aspects qui auraient mérités d’être centraux mais qui ne sont que brièvement évoqués. I Am a Noise apparait ainsi comme une sorte de tumulte d’informations qui noie ses aspects intéressants dans un flot qui ne mène nulle part. Au terme du voyage, alors que l’on revoit des boites d’archivage présentes dans la maison de la protagoniste et vues dans l’introduction du film, on se surprend à se demander si elles ont réellement été ouvertes durant les deux heures que dure le long-métrage, ou si on leur a jeté un coup d’œil de loin.
Joan Baez : I Am a Noise, de Miri Navasky, Maeve O’Boyle et Karen O’Connor.
USA – Documentaire – 1h53 – 2023
A voir au cinéma d’Oron