Cinéma – « (Im)mortels » de Lila Ribi
La mortalité au cœur de la vie

Charlyne Genoud | A la manière de Stéphane Rithauser et de son film « Madame » d’il y a quelques printemps, Lila Ribi accompagne caméra à la main sa grand-mère en fin de vie, tout en façonnant autour d’elle une réelle problématique quant à l’existence de la mort dans la vie.
Notre petit nuage
Un mort, des morts, tant de morts qu’ils sont plus que les vivants semblent nous dire les premières images du film (Im)mortels de Lila Ribi. Ces images de crânes des catacombes nous font tranquillement sombrer dans ce sujet tabou et refoulé qu’est la mort. Comme protagoniste centrale au tour d’horizon qu’entame Lila Ribi, il y a sa grand-mère en fin de vie, lui permettant de sonder la question à un niveau intime d’abord. Avec beaucoup d’authenticité, elle parvient ainsi à mettre sur pied un documentaire au carrefour de Madame de Stéphane Rithauser, et de Zürcher Tagebuch ou de Cinq nouvelles du cerveau de Jean-Stéphane Bron. Si le sujet est lourd, sa grand-mère ne manque pas d’humour pour en parler. Fixant l’objectif, lorsque sa petite-fille l’interroge sur le sens qu’elle donne à la mort, elle lui répond « on en reparlera sur notre petit nuage » tout en ricanant. A ses prises de paroles souvent comiques ou émouvantes sont juxtaposées celles de professionnels de la mort. Vient ainsi le tour d’un neurologue, rapportant la définition stricte de mort cérébrale, tout en ajoutant que la mort est un processus.
Adieu voiture
Ce processus est fait d’aurevoirs, Lila Ribi filme ainsi les diverses formes prises par ces adieux. Une signature sur un bout de papier: sa grand-mère renonce au permis de conduire. « Adieu voiture » dit-elle à sa petite automobile. Sans cesse, les prises de parole sont ainsi illustrées par les agissements de la grand-mère, eux-mêmes illustrations de ce qui vient d’être dit. C’est que le film de Lila Ribi est particulièrement bien écrit, faisant fusionner des prises de vues très différentes afin d’aller d’un point A à un point B, résultat d’une enquête bien menée.
Mort moteur
Un psychologue en soin palliatif propose quant à lui de construire autour de la mort, à la manière de ce qu’est en train de faire Lila Ribi par ailleurs. Face à un jeune homme atteint d’un cancer, il propose de se créer une vision des choses personnelle. De ce contact irrémédiable à la grande inconnue, il y a quelque chose d’autre à faire que d’avoir peur, ce qu’a compris la réalisatrice. La mort comme moteur de création est ainsi présente tant dans certains propos du film qu’en soit par la forme qu’il prend. C’est un passage d’un état à l’autre, mais la frontière est proposée comme poreuse. Un croque-mort le connait bien, puisqu’il prépare les gens à l’au-delà. Accoucher la vie qui part, la mort est aussi le début de quelque chose. De tous ces interviewés proposant des autres rapports au temps de la vie et au temps de la mort ressort clairement des questions fondamentales : peut-on vivre avec notre mortalité sans cesse en tête ?
« (IM)MORTELS »
Documentaire, Lila Ribi, Suisse, 2021, 88′, VF, 10/12 ans
A Oron, dimanche 22 à 18h et lundi 23 mai à 20h

