Cinéma – “En plein feu” de Quentin Reynaud
La forêt comme prison

Le cinquième fim de Quentin Reynaud place au cœur d’un brasier une tragédie familiale, dont la plupart des membres restent hors-champ. Au cœur d’un incendie tel que ceux qu’a connu la France l’été passé se retrouvent en effet un père et son fils, incarnés par André Dussolier et Alex Lutz.
Routiniers des sirènes
De bon matin, alors que la radio annonce un incendie imminent requérant des habitants d’une région des Landes d’évacuer les lieux, Simon et son père se mettent mollement en route. Les sirènes, ils y sont habitués; ils attendent qu’elles retentissent pour la troisième fois avant de les prendre au sérieux et ne pas les entendre comme une fausse alerte. Peinards dans leur voiture, ils se retrouvent comme tant d’autres locaux dans un embouteillage caractéristique des moments d’évacuation. Rien ne semble toucher les deux habitués, qui se racontent des anecdotes comme à leur habitude. Mais dans la déclamation emphatique du père (André Dussolier), qui monte en puissance et accroche enfin le public après ce début assez mou, la situation initiale du film semble aller vers une perturbation. Le père étant au summum de son anecdote, le climat se tend lorsqu’un sanglier en feu vient s’écraser dans sa portière. Les traits se tirent, le sanglier annonce le danger, et peut-être un peu de leur futur proche. S’ensuit une véritable épopée au travers des flammes, aux accents oniriques et à l’itinéraire brouillé, l’épaisse fumée de l’incendie en toile de fond empêchant tout repère visuel aux protagonistes comme au spectateur de En plein feu.
Tragédie familiale en hors-champ
Dans un incendie pareil, on ne voit plus rien, si ce n’est ce qui est très proche. Ainsi, Simon (Alex Lutz) redécouvre son père dans ce climat tragique. Discutant gravement avec lui, le visage illuminé par cette étrange lumière orangée des flammes tamisées par le brouillard, il saisit ce qu’il a à faire pour son propre fils. Ce fils, à l’image du drame familial qui seconde le récit de l’incendie, reste hors-champ. Un dispositif qui fait sens, puisque le père reproche justement à son fils d’oublier de s’occuper de l’enfant qu’il lui reste.
« On est pas que tous les deux Simon » lui dira-t-il après trois-quarts d’heure de film qui ne les a justement montré que tous les deux. Se multiplient dès lors des coups de téléphone qui restent sans réponse, comme si le fils se résignait à rester hors de l’histoire familiale, malgré les appels qui le sonnent de l’intégrer. On saisit ainsi par bribes, et au fil du parcours initiatique que poursuit Simon à travers la forêt en flammes des Landes, l’histoire d’un père qui peine à faire son deuil. Sur son bras est tatoué le nom « Emma », et des flashbacks ou des cauchemars nous permettent d’imager le chamboulement que le personnage vit intérieurement.
Des arbres comme des barreaux
Avant d’être cinéaste, Quentin Reynaud était architecte, en d’autres termes, il était une sorte de dresseur de nature, qui l’adapte pour la rendre confortable pour l’homme. Dans En plein feu, il voit la forêt comme une potentielle prison, dans laquelle son personnage se débat en courant partout sans qu’il ne trouve jamais la sortie. Des troncs d’arbres verticaux comme des barreaux. Sa caméra s’attelle ainsi à rester à hauteur d’homme, à ne jamais s’élever vers les cimes, pour parler de ce que la nature peut reprendre à l’homme lorsqu’elle se met en colère par les flammes. S’échappant de cette prison enfumée, son protagoniste parvient à sortir aussi d’un schéma de pensée qui l’empêchait de voir à vingt mètres. Une sorte de renaissance de la vision par la traversée des flammes. L’idée est belle, l’image aussi, mais le scénario contient des invraisemblances qui empêche d’adhérer aux émotions que l’on tente de susciter chez nous.
« En plein feu » de Quentin Reynaud au cinéma d’Oron, les samedi 18 et dimanche 19 mars, à 20h