Cinéma – Documenter les rêves d’un quartier
Au cinéma de la grande salle de Chexbres vendredi 19 mai à 20h30 en présence du réalisateur
En plein mois d’août, le quartier des Faverges, situé en périphérie lausannoise, est sillonné par deux vigiles. Ruban de balisage au bras, talkies-walkies à la ceinture et petits brassards jaunes au biceps, les deux hommes déambulent jours et nuits dans le quartier sans jamais avoir à intervenir. De leurs mouvements découlent des prises de paroles qui portraiturent un quartier particulier.
Vuachère onirique au cœur des Faverges
Un préambule très mis en scène installe le décor central du film. La Vuachère est filmée de nuit, éclairée d’une lumière bleue très maîtrisée qui révèle deux paires de pieds traversant les eaux. Elie Autin et Juliette Uzor, diplômés de la Manufacture, incarnent ainsi des baigneurs songeurs au clair de lune. L’atmosphère change ensuite brutalement pour laisser place au plein jour, au sein de plans à l’épaule signalant le documentaire par une rupture abrupte. Le premier long-métrage du réalisateur Tizian Büchi oscille ainsi entre onirisme et concret, par sa forme comme par son contenu.
Feuillages signalisés
La Vuachère que l’on nous présentait magistralement est alors lieu de débat pratiques pour les habitants du quartier : contient-elle de l’or, de l’argent ou rien du tout ? Est-elle aussi dangereuse que certains veulent nous le faire croire, ou simplement froide ? En tous cas, deux vigiles employés par on ne sait qui s’improvisent anges gardiens des locaux en les empêchant d’y accéder. Les feuillages verts se voient ainsi barricadés d’un flamboyant ruban de signalisation rouge et blanc. Même le banc bordant la rivière est intégré à la zone interdite, que foule une jeune musicienne chantant en espagnol sa volonté de vivre comme dans un rêve.
Le balcon comme bord-cadre
Par bribes de prises de paroles, on saisit ainsi toute la vie d’un quartier habité majoritairement par des immigrés et des retraités, dans le creux d’un vallon. Différents points de vue sont ainsi relayés, comme celui de retraités accrochés aux rambardes de leur balcon pour observer la vie en contrebas, qui est encore mieux que ce qui passe à la TV, protégés par leurs balustrades lorsque l’agitation semble trop forte pour des personnes âgées. Vu à hauteur d’enfant, le quartier est tout à la fois, hyper dangereux comme hyper tranquille. Les petites têtes blondes se contredisent dans les désirs de jouer aux grands le temps d’un instant. Dans l’encadrure de sa fenêtre, une dame apprécie un quartier dans lequel rien n’a bougé depuis les vingt-quatre ans qu’elle y habite.
Les deux vigiles sillonnent l’espace et le créent à l’écran par leurs mouvements. Se cherchant un rôle dans ce lieu où rien ne se passe, ils deviennent une sorte d’animation pour ceux et celles qui les observent, d’en haut ou d’en bas, afin de déceler le sens de leur présence. Mais ce dernier restera un mystère, rappelant subtilement l’absurdité de nombreux dispositifs de sécurité.
L’ÎLOT
Documentaire, Tizian Büchi, Suisse, 2022, 105, VF, 16/16 ans
Ce vendredi 19 mai à 20h, L’îlot de Tizian Büchi sera projeté au cinéma de la grande salle de Chexbres en partenariat avec Ciné-doc et en présence du réalisateur
Projeté au cinéma d’Oron et au cinéma City-club de Pully ces prochaines semaines