Cinéma – Burning Lights, une compétition originale à Visions du réel
L’édition 2023 de Visions du réel a touché à sa fin dimanche passé après dix jours d’engouement à Nyon. La section Burning Lights mettait en compétition des longs et moyens métrages internationaux proposant de nouvelles formes de cinéma.
Apocryphal county de Geoffrey Lachassagne
Apocryphal county, de Geoffrey Lachassagne propose de mettre en images, souvent par des panoramiques à 360°, les paysages de Yoknapatawpha, le comté dans lequel prennent place les histoires de l’écrivain américain William Faulkner. Au fil des paysages, cartographiés au début du film, on découvre aussi ses personnages, presque immobiles face à la caméra au point de friser la photographie. Prenant pour sujet un écrivain qui a passé sa vie à jouer avec la vérité, Lachassagne fait de même en piégeant magistralement son public qui croit un peu trop fort à la phrase d’ouverture du film annonçant que la géographie apocryphe de Faulkner se superpose bien à la réalité.
Filming, de Samuel Moreno Alvarez
Filming, de Samuel Moreno Alvarez, propose une sorte d’adaptation de Notes sur le cinématographe de Robert Bresson en superposant un peu de son texte à des images de tournage dans un champ de café colombien. Le petit monde s’affaire, pris dans l’œuvre cinématographique qu’ils sont en train de créer, alors que la caméra d’Alvarez prend du recul sur ce que faire un film veut dire.
Taxibol, de Tommaso Santambrogio
Taxibol met en scène Lav Diaz aux côtés de Gustavo Flecha, dans un taxi à Cuba. Les deux hommes discutent, dans un champ contre-champ qui constitue à lui seul la première partie du film. Après qu’ils se soient présentés dans leurs langues respectives et que l’on ait compris qu’ils se comprenaient bien qu’ils ne parlent pas la même langue, les enjeux de leur présence commune dans ce taxi sont révélés : il s’agit pour le Philippin Lav Diaz de venger sa patrie en retrouvant un général proche de Marcos, exilé à Cuba. Cette première partie de film bizarrement légère laisse ensuite place à un tout autre film, que le monochrome relie au premier, constitués de lents plans fixes à la plastique envoûtante, qui nous permettent de voir le quotidien répétitif du général exilé. Chaque jour, la même routine est capturée par le réalisateur et son chef opérateur, qui changent de jours en jours leur angle d’approche.
« Je verrai toujours vos visages »
Fiction, Jeanne Herry, France, 2023, 118’, VF, 16/16 ans
Au cinéma d’Oron, samedi 6, dimanche 7 et mardi 9 mai à 20h
Au cinéma d’Oron, aller voir vos visages
Depuis 2014, on propose aux victimes de vols et de viols ainsi qu’à des auteurs d’infraction des mesures de justice restaurative, consistant en des rencontres entre victimes et agresseurs encadrées par des professionnels.
C’est à ce milieu que s’intéresse le nouveau film de Jeanne Herry, Je verrai toujours vos visages. Deux histoires y sont mises en parallèle : il s’agit d’une part de voir Chloé s’engager dans cette procédure alors qu’elle vient d’apprendre que son frère, qui l’a violée pendant son enfance, est de retour dans la ville qu’elle habite. D’autre part, une thérapie de groupe réunit trois hommes auteurs de nombreux délits et incarcérés depuis, face à trois victimes qui peinent à se remettre d’un vol à l’arrachée, d’un cambriolage ou d’un braquage.
Si on imagine bien comment la justice restaurative peut aussi faire face à des échecs, Je verrai toujours vos visages s’attache à en démontrer la réussite, en illustrant comment le fait de rencontrer cet autre permet de comprendre et de contextualiser des violences traumatisantes. La médiation semble ainsi permettre aux victimes de reconnaître leur douleur tout en la dépassant. Le film de la réalisatrice de Pupille, qui remplit les salles depuis quelques semaines, sera projeté pour une courte durée encore au cinéma d’Oron.