C’est à lire – Le passionnant ouvrage d’une éminente gérontopsychologue et thérapeute
Comment vivre sa vieillesse le mieux possible

« L’ Avancée en âge. Ses richesses, ses écueils » de Marianna Gawrysiak, voilà un ouvrage que chacun et chacune devrait lire, avant même d’atteindre l’âge de sa retraite. Rassurez-vous ! Il ne s’agit pas d’une méthode miracle, ni de poudres de perlimpinpin, ni de chirurgie esthétique. Car, hélas, les charlatans prolifèrent autour des personnes âgées. Et l’auteure ne présente pas la vieillesse comme une période toujours rose, lumineuse et radieuse : elle en montre les richesses, mais aussi les difficultés et les souffrances. Le livre a reçu la caution scientifique du Dr Jean Martin, ancien médecin cantonal vaudois, qui lui consacre une élogieuse préface.
Certains conseils généraux peuvent paraître bien connus… et pourtant trop rarement suivis. On veillera donc à consommer une nourriture saine, à éviter le tabagisme et l’obésité, à boire de l’alcool modérément, à conserver et sa vue et son ouïe (lunettes et appareillage), à éviter la sédentarisation et à avoir chaque jour du mouvement, à ne pas se focaliser sur ses maux physiques, à maintenir des contacts sociaux, à ne pas se contenter du farniente passif mais si possible à se rendre encore utile aux autres (merci aux grands-parents ainsi qu’aux bénévoles !), et peut-être plus que tout à garder sa curiosité, son ouverture au monde, son esprit en éveil. Il faut en effet bien distinguer l’âge chronologique, l’âge physique et l’âge cognitif. Un ensemble de règles de vie finalement simples à suivre, mais préférables à la surconsommation de médicaments ou l’achat d’appareils de fitness coûteux.
Pour écrire ce livre, Marianna Gawrysiak, qui travaille depuis plus de trente ans dans le Réseau fribourgeois de Santé mentale, est partie des « Propos » contenus dans son site internet avant-âge. Elle y a ajouté les réponses de 28 personnalités à un questionnaire-type. Parmi celles-ci, on trouvera Jacques Neyrinck, Ruth Dreifuss, Jacques Dubochet, Léonard Gianadda, Cicéron… et bien d’autres dont les réponses sont toutes intéressantes, et parfois teintées d’humour. L’ouvrage est donc très vivant et se lit avec plaisir, même s’il aborde des sujets douloureux comme l’isolement, les risques d’accidents, la maladie, la démence sénile ou le deuil. Pourtant, le grand âge n’est pas nécessairement le « naufrage » dont parlait le général de Gaulle.
L’auteure met aussi en garde contre « la dictature du bien vieillir », en songeant à ces revues et ces séries TV qui nous montrent des personnes âgées fringantes et éternellement jeunes… Comme disait Agatha Christie : « Mon mari est archéologue. Plus je vieillis, plus je l’intéresse. » L’une des personnes interviewées exprime avec raison sa détestation de s’entendre appeler « Jeune homme », un autre « Pépé », par des serveurs de restaurants ! Il y a tant de choses dans ce riche ouvrage qu’il est vraiment difficile de le résumer. Marianne Gawrysiak consacre par exemple un chapitre à ce qu’elle considère comme « mon EMS idéal », d’autres à la présence bienfaisante d’un animal de compagnie comme le chat, à la surmédicalisation des personnes âgées, un autre encore à la fin de vie (avec ou sans EXIT), et
au « deuil blanc », c’est-à-dire celui qui sépare par étapes conjoint-e et enfants d’une personne atteinte par l’Alzheimer. On se souvient que celui-ci a notamment frappé Ronald Reagan, Annie Girardot, Sean Connery et Guy Bedos.
Une assez grande partie du livre concerne en effet la maladie d’Alzheimer (qui n’a rien à voir avec la folie), dont l’auteure est une spécialiste et à propos de laquelle elle met à mal un certain nombre de clichés. Elle montre que si celle-ci ne peut actuellement pas être guérie, elle peut en revanche être combattue et son évolution retardée. L’auteure insiste sur le fait que le rapport affectif, émotionnel, tactile, supplée au rapport cognitif et intellectuel à un stade très avancé de la maladie.
Vous ne vous sentez pas concerné-e par tout cela ? C’est oublier que de plus en plus de personnes vont atteindre le très grand âge (85 ans et plus), avec souvent des « enfants » qui auront déjà celui de la retraite. Ainsi la célèbre actrice Catherine Deneuve est devenue, à 77 ans, orpheline de sa maman, âgée de 109 ans !
Avec Marianna Gawrysiak, il faut en effet rappeler quelques chiffres. En Suisse, le groupe des « seniors » (60 à 100 ans) compte presque deux millions de personnes. « Sur 8,6 millions d’habitants, on compte 1,5 million de retraités, soit 18% de la population. Et cette proportion va continuer à augmenter ». 450’000 d’entre eux ont 80 ans et plus. La demande d’EMS ne va donc pas cesser de croître. Laissons le mot de la fin à Albert Camus : « Aimer un être, c’est accepter de vieillir avec lui. » Et à Eleanor Roosevelt : « Les beaux jeunes gens sont des accidents de la nature, tandis que les beaux vieillards sont des œuvres d’art. »
Marianna Gawrysiak, « L’Avancée en âge »
Ses richesses, ses écueils, Vevey, Editions de L’Aire, 2022, 377 p.