C’est à lire – Alain Bettex publie un « roman biographique »
L’auteur vient de fêter en musique ses 80 ans, c’est l’un des correspondants du Courrier. Ingénieur et journaliste, grand amateur de jazz, il a vécu de nombreuses années au Canada. Retour en récit de sa vie passée en terre québécoise.

Ce qu’il nous raconte dans cet ouvrage, ce n’est pas uniquement sa vie, car il se base non seulement sur ses propres souvenirs mais également sur ceux de Jean-Pierre Beltrami, tous deux ayant émigré un temps au Canada.
Il ne faut pas s’attendre à un chef-d’œuvre littéraire, cependant le livre est vivant et bien écrit. Il fera sourire et se lit dans une approche récréative. L’auteur retranscrit fidèlement l’âme de cette région francophone et attachante d’Amérique du Nord.
Une personnalité touchante
Le personnage, Gaston Perrin, d’origine italienne très modeste, a été élevé par son beau-père, dont il a pris le nom. Le livre évoque donc un certain nombre de sites vaudois et suisses, bien connus de nos lecteurs. Mais surtout, en 1952, c’est le grand départ avec l’ami Beltrami. Leur séjour durera de nombreuses années. Tout en nous racontant la vie haute en couleur de son personnage et sa réussite professionnelle, Alain Bettex nous apprend beaucoup de choses sur l’ensemble du Québec, où il a lui aussi vécu et travaillé.
Ce sont les pages les plus intéressantes du roman. C’est d’abord un tableau social de la province, encore très catholique, cléricale … et mafieuse (surtout la ville de Montréal), dans les années 1950. Il y est question des tribulations de la Régie des alcools du Québec, de la pêche en rivière et sur le lac Saint-Jean, du hockey, le sport national, et de la concurrence féroce entre l’équipe de la capitale provinciale Québec, et celle de Montréal, rivalité qui dépasse largement ce que l’on peut rencontrer entre Lausanne et Genève ! Et de nombreux autres sujets, que celles et ceux qui connaissent ou non le Québec liront avec intérêt. Ils y retrouveront notamment les longs hivers glacés qui sont à la fois la difficulté et la beauté envoûtante du Canada, si bien chantée par Félix Leclerc ou Gilles Vigneault.

Chute sociale
Certes, Gaston Perrin ne nous apparaît pas toujours comme un homme très sympathique. Il est par exemple « écœuré » par la création d’un syndicat dans son entreprise… Avec un sens de l’économie confinant parfois à l’avarice – ce que peut expliquer sa première enfance à la limite de la pauvreté – il ne rechigne pas à tromper le fisc et les douanes canadiennes, voire à acquérir de l’or provenant certainement des crématoires nazis. En 1980, Gaston rentre en Suisse, y achète une propriété sur les hauts de Vevey. Il est reçu dans le Rotary Club, ce qui parachève son ascension sociale. Il finira malheureusement dans une certaine aigreur, en se brouillant avec tous ses amis.
Gaston Perrin a certes connu la grande vie, mais a-t-il vraiment profité pleinement de son séjour au Canada ? Nous voilà donc face à l’histoire d’un self-mode man qui a acquis fortune et notoriété, et qui incarne pleinement le rêve américain, notamment « la vénération du dieu dollar », comme mentionne l’auteur. Cependant, il peut aussi être un modèle, dans la mesure où il a su quitter le « Landerneau » helvétique, s’expatrier (vieille tradition suisse notamment au 19e siècle), prendre des risques, en bref sortir de la quiétude d’une vie rangée.
A travers le récit de sa vie, c’est aussi l’histoire d’une certaine génération qu’Alain Bettex nous raconte ici. Un ouvrage illustré par de nombreuses photographies qui enrichissent le texte.
Alain Bettex, Le Suisse ou… Le Canadien. On l’appelait Le Suisse au Canada et Le Canadien en Suisse, éd. SWISSCITY.COM, 2020, 157 p.
On peut acquérir l’ouvrage auprès de l’auteur, ab@swisscity.com