La petite histoire des mots
Eau
Le réchauffement climatique et les sécheresses de plus en plus nombreuses qui l’accompagnent soulignent, chaque année davantage, l’importance de bien gérer nos précieuses ressources en eau. En Suisse, on considère généralement que chaque individu consomme, en moyenne, quelque 140 litres d’eau potable par jour (WC, bains et douches, lessives et vaisselles, cuisine, arrosage du jardin, nettoyage au jet, piscine, etc.). Mais ce chiffre est bien en deçà de la réalité. En tenant compte de l’eau utilisée pour fabriquer les produits de consommation courante importés (fruits et légumes, viande, vêtements, appareils divers, etc.), chaque Suisse engloutit quotidien-nement plus de 3800 litres d’eau douce par jour.
Le mot « eau » nous vient du latin « aqua ». Mais il a dû parcourir un très long chemin avant d’adopter la forme et la prononciation que nous lui connaissons de nos jours. De « aqua » qui était prononcé « akoua » dans l’Antiquité, la prononciation a évolué vers « agoua » avant le Moyen-Âge, vers le IVe siècle, puis, progressivement, vers « aoua », « èoua » puis enfin « éoueu ». C’est sous les formes écrites « ewe » ou encore « egua », que le mot arriva, en ancien français, vers le XIe siècle.
Dans les textes des XIIe et XIIIe siècles, on rencontre la forme écrite « eaue », prononcée à peu près « éoveu », avec un « v » à peine articulé. C’est au début du XVIIe siècle que, dans les textes, le « e » final disparut et que le mot « eau » prit sa forme écrite actuelle. À l’oral, cependant, le mot se prononçait encore « eo » avec un « e » à peine audible. Il finira par disparaître vers le XVIIIe siècle, lorsque la forme orale « o » finit par s’imposer.
Le latin « aqua » n’a pas disparu pour autant : on le retrouve dans des mots comme « aquatique », « aqueduc », « aquarium », « aquarelle », par exemple, ou encore dans des néologismes comme « aquagym ». Le grec ancien « hýdōr » (eau), nous a quant à lui légué une vaste famille de termes techniques ou scientifiques comme « hydraulique », « hydrogène », « hydrocarbures », « hydro-géologue », « hydropisie », etc.
Petit conseil aux touristes pétris d’études classiques qui, lors d’un séjour en Grèce, seraient tentés de demander de l’« hýdōr » pour étancher leur soif : ils seraient le plus souvent compris, mais pourraient bien provoquer l’hilarité de leurs interlocuteurs. En grec moderne, l’eau se dit « néro » ! Pourquoi ? En grec médiéval on disait « niron hýdōr » pour dire « eau fraîche ». Le terme désignant l’eau a fini par disparaître au profit de celui définissant la fraîcheur, se transformant légèrement à travers les siècles. Bref, si vous avez besoin d’eau sous le soleil grec, demandez simplement « éna potiri néro » (un verre d’eau) pour être exaucé. En grec ancien, le mot « potirion » désignait déjà une coupe.
Belle suite d’été, et n’oubliez pas de vous « hydrater » !