C’est à lire
Une approche sereine de la mort
Adrien Gygax – Se réjouir de la fin – Paris, Grasset, 2020
Pierre Jeanneret | Le roman d’Adrien Gygax commence par la prétendue découverte du journal intime qui relate les derniers mois de vie d’un anonyme. Si le procédé littéraire n’est pas nouveau, l’auteur, pourtant jeune, témoigne d’une remarquable capacité à se mettre dans la peau d’un résident en maison de retraite. Le sigle EMS n’est jamais prononcé, car l’éditeur est parisien, mais c’est bien le vécu de la Fondation La Rozavère à Lausanne qui a inspiré le livre.
« Moi et les autres vieux. On est à la marge. On est en bas de page, même, disons qu’on a peu de chance de prendre la parole, ou de faire les gros titres. On n’est plus vraiment dans le coup. Tout va vite, les gens concernés sont des fonceurs, des solides. Nous, on n’a plus le bon moteur, on toussote, nous voilà au garage loin de tout ». Ces propos, et d’autres similaires, pourraient faire croire à une vision très négative de la vieillesse et de la fin de vie. Or, on verra qu’il n’en est rien. Certes, le déclin physique progressif est au programme, incapacité à marcher, obligation d’accepter la chaise roulante, à dormir sans somnifères, et autres maux. Et puis les nouveaux moyens de communication (portable, internet) « larguent » bien des personnes âgées. C’est également l’isolement progressif, les autres résidents disparaissant les uns après les autres. Il est vrai que le roman donne une image assez triste de la vie en EMS.
Cela étant dit, le narrateur témoigne d’un « lâcher-prise » par étapes. Celui-ci l’amène d’abord à se défaire de tous ses biens matériels auxquels il attachait jadis tant d’importance : « Ainsi va la fin de ma vie. Elle va vers le plus merveilleux des détachements ».
Puis, c’est une indifférence progressive au monde. Une paix avec lui-même que le personnage acquiert, s’étant départi de toutes les querelles du passé. Cette période de fin de vie est aussi marquée par des joies : la présence d’une jeune et jolie collaboratrice, un dernier amour avec Maryse, une autre résidente, la redécouverte d’un contact simple avec la nature. On renoue donc dans ce roman apaisant avec une sagesse romaine antique, celle des stoïciens. A lire, car ce petit livre nous réconcilie avec l’issue fatale qui nous attend toutes et tous.
Quand l’auteur de cet attachant roman est reçu au Centre de Val Paisible
Cécile Détraz | Ce jour-là, le 10 mars dernier, d’authentiques joies sereines furent vécues par de nombreux « ainés » de la Cité. Oui-da, car Adrien Gygax est un jeune écrivain talentueux généralement penché sur la vie des 3e et 4e âges; il lut des passages heureux de son livre en expliquant les raisons de sa parution; cela toucha naturellement les cœurs et les esprits des résidents; puis l’auteur leur proposa d’oser poser des questions et même d’évoquer leur actuel ou ancien vécu; il s’ensuivit alors d’harmoniques dialogues et de claires réponses. Se vécurent ainsi des moments d’intimes bonheurs partagés avec cet ami des « aînés » de tous âges, lesquels ne sont pas toujours bien compris par les jeunes générations de la fin du 20e et de ce 21e siècle presque entièrement assujetti au numérique. Il y eut d’autres très heureux moments lors de dédicaces généreusement accordées avec une amicale attention.
Oui, cette rencontre nous confirma la grande compréhension d’un cœur large et d’un lumineux intellect en faveur d’« aînés » aux parcours de vie évidemment fort différents. Une gourmande collation fut servie, préparée par la très dévouée et souriante Référente sociale et ses fidèles aides. Ainsi se termina ce beaux programme de rencontres amicales, joyeuses, instructives grâce à un écrivain qui écrit – nous le répétons – avec son généreux cœur et une intelligence guidée par la sagesse de nos anciens philosophes.
L’histoire si bien contée de ce « bonheur de vieux qui se réjouit de la fin » est donc magnifiquement résumé par un précieux correspondant du « Courrier ». Que l’attachant livre d’Adrien Gygax inspire de nombreux futurs lecteurs.