Deux entrepreneurs de la région sont partis en Ukraine
pour y amener de l’aide humanitaire !
Une expérience marquante pour les deux hommes
Eric Moser | Le 16 mars dernier, Boris Müller et Stéphane Tenthorey ont pris la route en direction de Lviv, ville située à l’ouest de l’Ukraine à environ 70 kilomètres de la frontière polonaise. Nous avons recueilli leurs réactions alors qu’ils étaient sur le chemin du retour.
Boris Müller n’est pas un inconnu dans le monde de l’action humanitaire. En effet, il est le président de Miloch Transports, à Savigny, qui s’investit depuis bientôt 40 ans, par le biais de sa fondation, dans des projets humanitaires. « Quand la guerre en Ukraine a commencé, c’était une évidence que nous voulions faire quelque chose. Comme nous sommes pas mal actifs dans ce domaine, nous avons eu beaucoup de demandes de la part de personnes qui voulaient savoir comment cela se passe et si nous organisions quelque chose. Stéphane Tenthorey qui est un bon copain s’est porté volontaire pour nous aider et venir avec nous ».
Près de 30 tonnes de marchandises humanitaires amenées en Ukraine !
Le 16 mars, c’est avec près de 30 tonnes de vivres, de médicaments, de produits de première nécessité ou encore de matériel d’hygiène pour bébés que les deux entrepreneurs de la région ont pris la route. « La marchandise que nous avons transportée a été triée par des centres comme l’Eglise d’Oron et d’autres centres répartis un peu partout en Suisse romande. Nous nous sommes occupés de la partie logistique, des formalités douanières, du trajet et des frais de transports » précise le président de Miloch.
L’appréhension de se rendre dans une zone de guerre
Lorsqu’on leur demande comment l’on se sent quand on s’apprête à partir dans un pays en guerre, les deux hommes avouent qu’il y a une certaine appréhension. « Juste avant que l’on passe la douane, il y a eu un bombardement le matin même. C’est vrai qu’il y avait une forme de tension. Une fois que l’on arrive sur place, que l’on se lance dans la douane et que nous sommes au contact avec les gens, on oublie assez vite ce côté risques. Cela se passe assez naturellement » explique Boris Müller.
Beaucoup de complications pour se rendre en Ukraine, mais ce n’était que le début !
Dans leur périple, Stéphane Tenthorey et Boris Müller ont dû faire face à plusieurs complications, essentiellement à la douane qui sépare la Pologne de l’Ukraine. « Le transitaire polonais voulait nous refuser l’entrée car nous venions de Suisse et que nous ne sommes donc pas européens. Après deux heures de dialogue, un douanier est venu en renfort et a sorti un texte de loi locale qui disait que les convois humanitaires peuvent passer. Finalement, nous avons passé 11 heures en douane alors que nous devions encore rouler dans un pays en guerre » raconte Boris Müller avant de préciser que beaucoup de transporteurs arrêtent leurs courses en Pologne à cause de ces complications. Stéphane Tenthorey prend le relais et explique combien il est compliqué de se rendre à Lviv. « Au niveau des douanes, c’était comme si nous rentrions de la marchandise commerciale dans le pays. En plus, nous avons vu beaucoup de check points et de militaires ukrainiens ».
Dans la région de Lviv, on voit que les Ukrainiens se préparent à recevoir les Russes
Une fois la frontière passée, les deux hommes ont été confrontés à la dure réalité d’un pays en guerre. « On voit que dans la région de Lviv, les Ukrainiens se préparent à recevoir les Russes si j’ose parler ainsi. Ils creusent des tranchées, montent des check points et installent des sacs de sable. On doit slalomer entre deux » évoque Boris Müller avant que Stéphane Tenthorey précise qu’il y a beaucoup de gardes armés un peu partout. Si beaucoup de véhicules se sont faits embêter, cela n’a pas été le cas pour les deux hommes qui roulaient sous le signe de la Croix-Rouge. En tant que convoi humanitaire, ils passaient les check points assez rapidement, les hommes en armes s’y trouvant comprenant rapidement que les deux Vaudois étaient là pour apporter de l’aide.
La crainte d’être pris pour cible
Lviv se situe dans une zone relativement calme de l’Ukraine si on peut parler ainsi d’une région d’un pays en guerre. Les troupes russes, au sol, n’ont pas encore été vues. Ni chars, ni troupes d’infanterie n’ont déjà foulé cette zone. Toutefois, même s’ils ne sont pas forcément visibles, les avions de chasse russes s’y font clairement entendre. Il s’agissait-là d’une des grandes craintes des deux hommes explique Stéphane Tenthorey. « Nous n’étions pas dans une zone sensible, ni sur un site stratégique militaire. Notre crainte, c’était vraiment que nous soyons pris pour des convoyeurs d’armes et que l’on devienne une cible de l’aviation russe ». Malgré cela, les deux hommes ont vécu cette expérience avec une certaine sérénité avant que son compagnon de route précise qu’ils n’ont jamais été face aux soldats. « Il s’agissait de bombardements aléatoires. Nous étions assez sereins sur place et les gens nous mettaient en confiance ».
La guerre en Ukraine, mais une tension palpable dans les pays limitrophes
Bien évidemment, les deux hommes n’ont pas dévié de leur feuille de route qui prévoyait que leur trajet passe par l’Allemagne et la Pologne. Dans ce dernier pays, Boris Müller et Stéphane Tenthorey ont senti toute la tension qui règne dans cette région de l’Europe. Tension que l’on peut aisément imaginer être la même en Hongrie, en Roumanie ou encore en Moldavie. « Ils contrôlent non seulement la sortie de leur pays, mais aussi le retour en Pologne. C’est là le plus difficile. Tous les camions passent au scanner. Cela représente des heures de files d’attente. On sent qu’ils sélectionnent vraiment l’entrée dans leur pays. C’est très difficile de sortir quelque chose ou quelqu’un d’Ukraine, c’est quelque chose que je peux vous dire » déclare le président de Miloch.
Une expérience marquante pour les deux hommes
Bien évidemment un tel périple n’est pas allé sans laisser de traces dans les esprits de Boris Müller et de Stéphane Tenthorey. Pour le premier nommé, c’est surtout la manière dont ils ont été reçus par la population locale qu’il retiendra. « Les moments d’accolades avec les gens qui nous ont aidé à décharger étaient vraiment très forts. C’est quand on leur a dit au revoir que nous nous sommes rendus compte que nous n’avions pas fait 4000 kilomètres pour rien et qu’au final, nos problèmes douaniers, ce n’était vraiment pas grand chose par rapport à ce que la population ukrainienne vit. Même si ce genre de drame est triste partout où il se produit, cela fait drôle de voir cela tout près de chez nous en Europe ». Pour Stéphane Tenthorey, c’est un autre côté dramatique de la guerre qui l’a marqué. « Il y a eu ces files de réfugiés. Cela représente plusieurs milliers de personnes. C’était très violent de voir tous ces enfants et toutes ces femmes qui quittaient leur pays ».
Une éventuelle deuxième expédition est déjà envisagée
Face à la détresse du peuple ukrainien, Boris Müller songe déjà à ce que Miloch humanitaire aille y remplir une deuxième mission. Elle sera conditionnée aux dons qui seront reçus. « Ce sont quand même des voyages qui coûtent chers. Nous venons de faire le plein. C’est quand même 750 euros. Nous en sommes déjà au cinquième. Ensuite, il y a les frais administratifs, les frais de logement. Ce sont des choses qui coûtent assez chers. Nous finançons une partie. Cette fois-ci, c’est moi qui ai fait le trajet, la prochaine fois ce sera mon chauffeur. Nous ne comptons pas nos heures, mais c’est vrai qu’il y a des frais qui sont impossibles à réduire et nous cherchons de l’aide pour cela ». Un appel à l’aide pour… aider le peuple ukrainien est donc lancé, espérons qu’il sera entendu.