C’est à lire
Un roman qui évoque des pratiques politico-économiques dans le Landerneau vaudois
Attention, voici un livre sulfureux ! Son auteur, Christian Campiche, journaliste indépendant, fondateur du site La Méduse, est connu pour son franc-parler, son souci de mettre en lumière des faits parfois occultés ou étouffés, et ses prises de position iconoclastes. Ici, il est parti d’une histoire réelle qui s’est déroulée dans un lieu réel : Nonfoux, près d’Yverdon. Un agriculteur y a été dépossédé de sa ferme, du fait d’une condamnation pénale et de sa ruine, suite à un incendie dû non à sa négligence, mais aux machinations ourdies par la « loge » Goldgod au nom évocateur (que l’auteur n’appelle heureusement pas « maçonnique »), et à laquelle auraient appartenu une coterie de politiciens et de promoteurs vaudois. Par ailleurs, toute une série de problèmes dans ce canton sont évoqués : le serpent de mer de l’extension de la gare de Lausanne, les différents projets liés au nouveau Musée des Beaux-Arts, les questions écologiques, l’attitude consensuelle et timorée, voire parfois servile, de certains journalistes de la grande presse…
On n’oubliera pas qu’il s’agit d’un roman, où la fiction est bien présente, par exemple avec l’abandon de la capitale lausannoise par le Comité international olympique. Le problème de ce livre, qui se lit avec le plaisir qu’offre un thriller, est que les personnages décrits le sont avec beaucoup (et même trop) de détails sur leur aspect physique, leur activité et même leur vie personnelle intime, pour qu’un esprit averti ne les reconnaisse pas ! Nous ne donnerons évidemment pas de noms, aux lectrices et lecteurs de s’y retrouver ou non. Espérons que les intéressé-e-s, qui sont accusés ici au mieux de « copinage », auront suffisamment d’humour et de capacité d’auto-dérision pour y voir un livre rabelaisien, avec ce qu’il a d’ « hénorme » dans la caricature ! Toute cette affaire juridico-politico-financière est par ailleurs mise en lumière par un journaliste-Tintin redresseur de torts, du nom lui aussi fictif de Krabitz, où l’auteur du livre se donne un peu le beau rôle.
Ce roman, certes osé et discutable sur certains points, a le mérite de la concision, et surtout de sortir d’une littérature vaudoise traditionnelle chantant les vignes et les forêts du Jorat, et dans laquelle les problèmes politiques, économiques et sociaux actuels sont trop souvent absents. En cela, le livre de Christian Campiche s’inscrit dans une perspective nouvelle, inaugurée par le fameux roman Je d’Yves Velan, paru en 1959, qui mettait en scène un pasteur de Nyon membre du POP, ô horreur, et les conditions sociales de la région, et qui appartient à notre panthéon littéraire romand.
Christian Campiche, Lynchage
à Nonfoux, Saine-Croix,
Editions Mon Village, 101 p
Signalons aussi que les livres d’Y. Velan viennent d’être republiés par les Ed. d’en bas