Théâtre du Jorat, Mézières

Faisant fi des mots pour laisser place à toute l’ingéniosité des mouvements, du silence et du décor, Dimanche, coproduction des Compagnies belges Focus et Chaliwaté se verra proposé au Théâtre du Jorat les 23 et 24 septembre. Ce spectacle, taillé dans la roche humoristique du plat pays parvient sans un mot à nous parler des grandes thématiques climatiques de notre époque.

Il y a quelque chose de paradoxal avec la thématique écologique. Il est convenu depuis plusieurs années désormais que le problème climatique est réel et que des actions très concrètes se doivent d’être entreprises. A l’exception de quelques climato-sceptiques à la pensée minoritaire, le sujet semble d’ailleurs bien souvent dépasser les clivages gauche-droite, même si les solutions proposées par les deux camps ont bien souvent tendance à diverger.

Pourtant, malgré la prégnance du sujet dans les débats sociétaux, le milieu de l’art semble toujours peiner à en parler sans verser immédiatement dans une forme de prosélytisme. Rares sont encore les films, les musiques ou les œuvres picturales qui sachent transposer avec doigté tous les enjeux futurs de notre planète.

Car tout sujet politique, social ou historique implique son relais par de grandes œuvres. Que seraient les conditions sociales des ouvriers sans Germinal, Les Temps Modernes ou L’Internationale ? Quelle vision aurait-on de la Guerre d’Espagne sans Guernica ? De la Seconde Guerre mondiale sans Si c’est un homme ou La Liste de Schindler ? Et l’écologie alors ? Eh bien pas grand-chose… Mickey 3D par ci, Don’t Look Up par là, mais rien qui ne semble vraiment acquérir dès aujourd’hui un statut de chef-d’œuvre immuable.

Et si ces arts théâtraux que l’on dit parfois dépassés avaient leur mot à dire sur la question ? La question mérite d’être posée à l’approche des représentations de Dimanche au Théâtre du Jorat ces 23 et 24 septembre. Deux soirs consécutifs durant lesquels deux compagnies belges, la Compagnie Focus et la Compagnie Chaliwaté, tenteront à leur manière de faire ressortir ces thématiques climatiques.

Leur manière ? Un curieux mélange, sorte de grande blague belge qui mixe théâtre d’objets, vidéo, marionnettes et théâtre physique. Le tout sans la moindre parole prononcée. Ici, l’on mise tout sur le son, sur les mimiques et sur ce curieux décor plein de surprises, de déformations de changements de points de vue et de créativité poétique. Le tout mâtiné d’un humour quasi-permanent, suffisamment absurde pour ne pas être réel et suffisamment réel pour ne pas être absurde.

Le récit entrecroise deux histoires. Celle, d’une part, d’une famille qui passe un dimanche a priori ordinaire chez elle, et qui, sans réagir, voit l’état du monde autour d’elle se dégrader, les meubles fondre sous la chaleur et les tempêtes perturber leur dîner. Celle, d’autre part, d’un groupe de reporters à la recherche des dernières espèces animales vivantes qui peuplent encore la planète terre.

Face aux tsunamis, aux tempêtes et aux températures qui grimpent, on observe l’absurdité de celles et ceux qui, voulant à tout prix conserver leur confort, font comme si toutes ces prémices quasi-apocalyptiques n’existaient pas ou qu’ils n’avaient pas d’importance.

Portée par d’astucieux moyens techniques et des performances physiques et chorégraphiques d’une superbe qualité Dimanche parvient ainsi, sans prononcer le moindre mot, à retranscrire une part importante de l’immense thématique climatique. Peut-être cela s’explique-t-il par le mutisme qu’impose un défi aussi énorme que celui de contrer ce qui paraît inéluctable. Face à ce gigantesque
challenge pour l’humanité, le silence est ainsi à coup sûr la plus exacte des explications et la plus
raisonnable des pédagogies.

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » disait Jacques Chirac en 2002 au Sommet de la Terre de Johannesburg. Et si nous prenions le temps, aujourd’hui, de regarder la réalité en face ? Et si nous osions franchir la porte de la Grange Sublime pour assister à cette illustration on ne peut plus
parlante des problèmes de notre époque ?