Arts vivants – « Pour moi, le spectacle est réussi si les gens me parlent d’eux à la fin »
Interview de Simon Romang avant son spectacle « Poussette ! », au café-théâtre Barnabé, le 25 mars
Poussé par le succès de Charrette !, son premier seul-en-scène créé en 2017 au Théâtre du Pommier à Neuchâtel, qui narrait son enfance fermière, voilà bientôt un an que Simon Romang a remis le couvert avec Poussette ! avec lequel il enchaîne les prestations aux quatre coins de la Romandie. Récit intime de sa récente parentalité, ce spectacle, co-écrit avec sa femme Florence Annoni et mis en scène par Alain Borek, fera halte au café-théâtre Barnabé à Servion le 25 mars. Interview.

Simon Romang, étiez-vous plus rassuré au moment de créer Poussette ! sachant le succès de votre premier spectacle ?
Non, pas vraiment. Il y aura peut-être quelques certitudes supplémentaires au troisième, mais le deuxième était un gros flip. Le premier a tellement tout changé pour moi et il était tellement bien reçu, qu’il y avait une énorme pression pour ne pas décevoir. J’avais très peur du raté complet.
Vous qui avez vécu les deux situations, est-ce différent de mener un spectacle seul ou de le vivre au sein d’une troupe ?
Oui, c’est très différent. Et je dirais même que je crée des spectacles en troupe différemment depuis que j’ai fait mon seul-en-scène. Dans un seul-en-scène, c’est notre projet, on est garant que ça marche et c’est un espèce de truc qui nous habite complètement. Quand on est exclusivement interprète, on a tout à coup une espèce de rappel qu’on arrive dans un projet qui est existant et qui est celui de quelqu’un d’autre. On se rend compte que ça fait deux ans qu’il ou elle recherche des subventions, des théâtres, un décor…
En parlant, dans Poussette !, de parentalité après un premier spectacle sur la ruralité, n’avez-vous pas eu la crainte de perdre une partie de votre public ? En gagnez-vous un autre ?
Il y a beaucoup plus de gens qui ont eu des enfants que de gens qui ont un rapport quelconque à la ferme ou au monde paysan. Mais on a fait gaffe que ce ne soit pas juste un truc chou sur les enfants. Le metteur en scène, par exemple, ne veut pas d’enfants et est très au clair avec ça. Ça nous donnait la garantie de faire un spectacle qui lui faisait aussi plaisir et envie, lui qui n’en avait et n’en voulait pas. Je souligne qu’on a tous un rapport à la parentalité, puisqu’on est tous nés. Je le rappelle à un moment du spectacle et on réfléchit au nombre d’heures d’accouchement qu’il a fallu pour que les gens soient présents dans la salle. On a un rapport à notre père, à notre mère. Qu’il soit bon ou mauvais, c’est un rapport à la parentalité quand même.

Faire tourner votre spectacle dans des salles de toutes tailles partout en Suisse romande vous confronte-t-il à différents degrés d’intimité avec le public ?
J’ai tendance à bien aimer les grandes scènes parce que j’aime bien bouger. J’aime bien courir, j’aime quand ça respire. Mais je pensais ça et j’ai eu beaucoup de plaisir à la Grenette (à Vevey), qui est une toute petite salle de 70 places avec une scène minuscule. Là, oui, il y a une intimité, mais j’ai presque l’impression que ça concerne plus les spectateurs. Quand on faisait de la promotion pour l’Octogone, des gens sont venus vers moi en me disant : « Moi, je préfère les endroits plus intimes, je vais venir à la Grenette. »
Parler de sa vie sur scène constitue-t-il une facilité ou au contraire, est-il compliqué de rentrer dans une démarche aussi intime ?
L’intime de l’accouchement a dû être apprivoisé. On a beaucoup réfléchi et finalement on a décidé de le laisser. J’estime premièrement que je peux parler de moi si c’est drôle. Deuxièmement, je fais tout un travail pour que ce soit universel, pour que les gens se reconnaissent dans mes expériences. Quand je sortais de Charrette !, les gens me parlaient d’eux. Ils disaient : « Mes parents ne sont pas paysans, mais j’ai un cousin qui avait une ferme, on jouait beaucoup dans la paille. » Et pour Poussette !, quand je sors, les gens me disent : « Ma femme a accouché en deux, en cinq, en vingt heures… » Pour moi, le spectacle est réussi si les gens me parlent d’eux à la fin.
Pensez-vous déjà à la suite ? Est-ce que ces deux spectacles risquent de se muer en trilogie ?
J’ai une artiste en tête avec qui j’ai l’ambition de faire un duo sur le couple. J’ai adoré parler de la ferme et de mes origines, j’ai adoré parler de parentalité dans un spectacle co-écrit avec ma femme, j’aimerais bien parler du couple, mais je n’aimerais pas le faire tout seul.