Lutry – Millénaire de l’origine de l’église médiévale
1025-2025
François Courvoisier | L’Histoire de Lavaux est extraordinairement remplie de richesses souvent oubliées ou méconnues.
Il ne reste que quelques éléments encore visibles de l’édifice dit église de Lutry qui datent de 1025, car il y a eu le gros incendie de 1344 qui a détruit l’église romane, ainsi qu’une partie du monastère et du bourg. Quelques vestiges de l’église romane primitive restent visibles dans l’architecture actuelle, comme la porte située sous la galerie des orgues, la voûte du porche d’entrée, les étages inférieurs de la tour carrée dite des Moines et deux colonnes encastrées au Nord de l’abside.
Alors que je faisais référence à divers écrits sur cette origine dans ma recherche « LAVAUX-Origine d’un patrimoine », certaines personnes ne donnaient guère de crédit à la description donnée sur les prémices d’une église à Lutry, puis se raviseront par la suite. A ce jour, après diverses séances et discussions, je dois constater que la commune de Lutry (propriétaire), ainsi que l’Eglise réformée et son Association en faveur du temple (locataire/exploitant) tergiversent sur la date de 1025, pourtant clairement définie selon les actes. Il n’y a pas de consensus pour de belles festivités.
Selon les archives vaudoises, les informations sont révélatrices des difficultés de données précises anciennes. Il est vrai qu’à cette époque, l’écriture était réservée aux moines et autres érudits. De plus dans le domaine de la construction, hier comme aujourd’hui, un certain temps s’écoule entre la date du désir exprimant un ordre de construire et la consécration (à titre d’exemple, pour la cathédrale de Lausanne, il aura fallu 205 ans, de 1070 à 1275).
Une commémoration remplie de gratitude, à cette volonté de recherche d’une bénédiction envers un bourg au début du Moyen-Age, s’impose en souvenir et au respect de nos aïeux, par-dessus religion et politique, grâce à l’art et ses bâtisses. Mais tant les autorités civiles que les ordres religieux n’entendent s’unir pour apporter leur contribution coordonnée dans un événement exceptionnel de millénaire !
Effectivement, mille ans d’histoire sont également mille ans d’aventures…
Faut-il rappeler l’origine médiévale d’un certain vœu de la duchesse du Chablais dénommée ADELASIA (mère d’Anselme/archevêque de Canterbury ?) auprès des moines bénédictins de l’Abbaye de Savigny-en-Lyonnais, afin qu’ils construisent à Lutry une église en 1025. Lutry fait partie alors du domaine royal de Rodolphe III de Bourgogne, et le roi est témoin de l’acte, ayant assisté avec sa femme Ermengarde, car Adelasia et Anselme étaient de grands dignitaires régionaux. Les recherches de repérer ledit acte de 1025 ont permis d’établir que cet important document faisait partie du cartulaire de l’ancienne Abbaye de Savigny-en-Lyonnais. Son original a disparu, mais l’ensemble du cartulaire a heureusement été transcrit et édité en 1853 par A. Bernard (Cartulaire de l’abbaye de Savigny). L’attestation du monastère n’intervient qu’en 1124. L’église fut partagée entre clergé dédié à Saint-Martin et paroisse (peuple) dédié à Saint-Clément. La devise des bénédictins, dont l’ordre a été fondé par Saint Benoît en 529, est ora et labora. L’activité sociale a grandi autour de cette église et de son monastère placé sur le trajet des pèlerins de Compostelle (Via Francigena reliant Rome à Canterbury).
Mais l’impermanence est en toute chose, déjà en son temps, si bien que la météo occasionnera de gros dégâts à la bâtisse, avec des orages dévastateurs, ainsi que des feux dus à la foudre. Et surviendra encore l’incendie gigantesque de 1344, touchant l’église et le monastère ainsi qu’une partie du bourg.
Aujourd’hui le temple (expression calviniste d’une église) présente notamment une rareté exceptionnelle, celle d’une gisante constituée par une dalle funéraire portant en faible relief l’effigie d’une femme. Il se pourrait qu’il faille la mettre en rapport avec l’indication, lors de la visite de 1453 de hautes autorités religieuses, d’une sépulture de Adelasia – duchesse du Chablais, fondatrice de l’important monastère et de l’église de l’ordre des bénédictins.