Bourg-en-Lavaux – La taxe déchets de trop ?
Entre 40 et 360 francs, la nouvelle taxe imposée pour l’élimination des déchets verts depuis le 1er janvier 2023 passe mal. Une pétition a recueilli plus de 730 signatures à ce jour dans le but de supprimer cette redevance. Pour la Municipalité, il s’agit d’équilibrer les comptes et d’être égalitaire selon la production de déchets de chacun.
La taxe forfaitaire est déjà devenue individuelle plutôt que par ménage. En plus, on nous ajoute l’achat d’une vignette pour les déchets verts ! », lance Pascal Vionnet, documents et stylo en main. « Le tout peut représenter une augmentation de 100 % pour un couple, et davantage si d’autres adultes vivent avec eux ». Pour ce pétitionnaire, comme pour son collègue Silvio Crosa, la nouvelle stratégie de ramassage des déchets verts au porte-à-porte n’est pas la bonne : « Un montant annuel de base de 10 francs est déjà perçu pour ce type d’ordures, alors pourquoi payer à double ? », interroge l’habitant d’Aran.
Pour recueillir un maximum de signatures, ils se sont donné rendez-vous au marché de Cully. Sur la place du Temple, les passants sont, pour la plupart, réceptifs : « Je signe volontiers, même si j’ai déjà écrit à la Municipalité que cette taxe était trop arbitraire », commente Max Graf, ancien et premier syndic de la commune de Bourg-en-Lavaux. « Nous ne comprenons pas pourquoi les conseillers communaux ont accepté ce nouveau règlement. A se demander si la Municipalité n’a pas minimisé la communication autour de cette vignette », ajoute Véronique Addor. « Notre mouvement ne se penche pas que sur l’aspect financier, mais également celui de l’écologie, les déchets verts n’étant pas des polluants, mais bien des éléments utiles à l’écosystème, d’ailleurs recyclés à la déchèterie de la Coulette. Car pour éviter d’acheter l’autocollant à apposer sur son container chaque année, les gens n’hésitent pas à prendre leur voiture pour se rendre plus fréquemment à la déchetterie ou… dans la nature, alors que le camion de ramassage passe de toute manière ! », détaille la pétitionnaire. Une telle taxe devrait être solidaire comme dans 99 % des communes vaudoises, en l’état, elle est de surcroît clivante.
Pour bien comprendre comment et pourquoi les autorités communales ont décidé de revoir le mode de financement de la gestion des déchets, nous avons rencontré le municipal en charge du dossier, Raymond Bech.
Le Courrier : Comment est organisé le ramassage des déchets dans la commune ?
Raymond Bech : Tous les lundis, un camion collecte les déchets de jardins et les compostables au porte-à-porte. Les mardis, c’est au tour des sacs taxés. La commune possède sa propre déchetterie, mais vu la topographie et l’important territoire de Bourg-en-Lavaux, les habitants ont aussi la possibilité d’aller à la déchetterie des Gavardes à Savigny. Huit écopoints sont également à la disposition des habitants pour y déposer leur verre, leur papier, l’aluminium, le pet ou leurs sacs taxés.
Le Courrier : Pourquoi avoir instauré une vignette pour l’élimination des déchets verts ?
Raymond Bech : Selon les dispositions légales, le compte de gestion des déchets doit être équilibré et les coûts de gestion doivent être financés par des taxes (et pas par l’impôt). En 2022, Le Conseil communal a exigé de la Municipalité qu’elle rééquilibre le compte « déchets », qui était alors déficitaire (45’000.- en 2022). Ne voulant pas réduire les prestations offertes aux habitants, nous n’avions pas d’autre choix que d’ajuster les taxes. La Municipalité a opté pour une taxe forfaitaire par habitant plutôt que par ménage, et proposé d’instaurer une taxe proportionnelle à la quantité pour les déchets verts, d’où la naissance de cette vignette. Cette proposition a été acceptée par le Conseil communal et validée par le canton et la surveillance des prix.
Le Courrier : N’aurait-il pas été plus simple d’augmenter la taxe forfaitaire par habitant plutôt que d’instaurer une nouvelle redevance ?
Raymond Bech : Selon les principes légaux, celui qui génère les déchets doit assumer le coût de leur élimination. Ce coût est proportionnel à la quantité de déchets produite. Comme les déchets verts sont produits en quantités très variables, il est donc légitime que ceux qui en génèrent plus contribuent à ce coût de manière plus importante. Les habitants qui ne génèrent que peu de déchets verts (déchets de cuisine seulement) seraient pénalisés s’ils devaient payer le même montant de taxe que les propriétaires de surfaces vertes.
Le Courrier : Les pétitionnaires jugent que cette vignette représente une inégalité de traitement. Que pensez-vous de cet argument ?
Raymond Bech : Au contraire, avec la vignette, la nouvelle taxe « déchets verts » est proportionnelle et rétablit une égalité de traitement entre les habitants qui ne produisent que peu de déchets et ceux qui en produisent plus puisque le coût de leur traitement augmente avec la quantité. Une participation financière identique pour tous constituerait une inégalité de traitement puisque les premiers paieraient le même montant que les seconds.
Le Courrier : La vignette se rapproche donc du fameux principe du pollueur-payeur ?
Raymond Bech : Elle vise en effet à faire payer plus celui qui produit plus de déchets et engendre donc plus de coûts de traitement. Le terme « pollueur » n’est certes guère adéquat dès lors que les déchets verts sont valorisés mais cette valorisation a un coût. L’idée est également d’encourager les individus à réduire la quantité de déchets produite, par exemple par la création d’un compost de jardin. A relever également que le coût moyen de la vignette n’est que de 25 ct par jour.
Le Courrier : Les pétitionnaires demandent la suppression de cette nouvelle taxe. Que se passerait-il si la vignette venait à disparaître ?
Raymond Bech : La réponse est simple. Nous retomberions dans un schéma déficitaire. La nouvelle taxe minimum sur les déchets verts est de 10 francs par habitant. En contrepartie, la taxe forfaitaire a été abaissée de 100 francs à 90 francs. Pour retrouver l’équilibre financier, nous devrions augmenter à environ 18 francs la taxe minimum sur les déchets verts. Qu’elle serait alors la réaction des nombreux habitants non soumis à la vignette ?
Le Courrier : Combien d’argent la vignette a-t-elle rapporté à la commune depuis son entrée en vigueur au début de l’année 2023 ?
Raymond Bech : La taxe sur les déchets verts a rapporté 75’000 francs à la commune, dont 44’000 francs pour la taxe minimum de 10 francs et 31’000 francs pour la vignette. Ces recettes ne couvrent toutefois pas intégralement les coûts de ramassage et de traitement de ces déchets
Le Courrier : Avez-vous rencontré d’autres communes pratiquant déjà cette taxe proportionnelle ?
Raymond Bech : Ce système n’est pas très répandu dans le canton, mais nous nous sommes inspirés d’Yvonand et de plusieurs autres communes en Suisse alémanique, où le principe « je produis des déchets, je paie en conséquence » est largement assimilé et admis.
Le Courrier : Lors de la séance du Conseil communal du 6 mai dernier, un postulat demandait que la Municipalité remédie aux défauts de jeunesse de cette nouvelle taxe, quels sont-ils ?
Raymond Bech : Le principal défaut relevé a trait à la communication sur la mise en œuvre du nouveau système, ce qui a été corrigé par l’envoi d’une communication plus claire et ciblée en décembre 2023. Il y est notamment précisé que les habitants d’immeubles à plusieurs logements peuvent déposer leurs déchets verts de cuisine dans des containers collectifs non soumis à la vignette. D’autre part, la durée de validité de la vignette 2023 a été prolongée au 30 avril 2024.