Sport handicap – Le unihockey comme sport de pointe
Professeur de sports à l’Association La Branche, Christian Albrecht vise un titre aux National Winter Olympics qui se tiendront du 14 au 17 mars dans le canton de Berne.
Texte et photos Gerard Bucher | On peut s’accrocher aux branches. On peut aussi s’accrocher à La Branche, comme quelque 160 résidents du côté de Mollie-Margot, sur le territoire de la commune de Savigny. Pas moins de 34 hectares leur sont consacrés. Grâce à Frédérique Hériché, directrice, et à Christian Albrecht, professeur d’éducation physique, le sport tient une place importante, voire majeure, dans les esprits et dans les corps de
personnes en situation de handicap.
Outre un bassin thérapeutique, La Branche dispose, notamment, d’une salle polyvalente dans laquelle on peut voir s’ébattre des adeptes de unihockey pas comme les autres. Tout simplement parce que ce sont des gagnants, aussi bien au niveau suisse qu’européen. On pense en premier lieu à la victoire surprise décrochée par les protégés de Christian Albrecht aux Special Olympics d’Inzell en 2015. Victorieux à Coire en 2016, ils ont dû se contenter d’une deuxième place à Villars il y a quatre ans, toujours dans le cadre des National Winter Games. De quoi ruminer une vengeance, qu’ils entendent bien concrétiser dans la région de Haslital Brienz (BE) entre le 14 et le 17 mars prochain. Le unihockey, qui s’est développé en Scandinavie dans les années 80, fait partie des six disciplines au programme, avec le ski alpin, le ski de fond, le curling, le snowboard et la raquette à neige.
La Branche favorite
Le plus étonnant dans cette affaire, c’est que la délégation de La Branche fait face à une concurrence venue principalement, voire exclusivement de la Suisse alémanique, où le unihockey est un sport reconnu et pratiqué à grande échelle. Tout le contraire de la Suisse romande. Et pourtant Christian Albrecht et ses neuf ouailles font figure de favoris.
Ce dernier ose à peine le dire, par superstition sans doute.
Tout est mis en œuvre pour que son équipe ne tombe pas de la branche. « Avant le tournoi, précise Christian Albrecht, on va louer une salle de sports à Lausanne ou dans la région pour que les joueurs ne soient pas surpris par les dimensions officielles, qui sont en principe de 15 mètres sur 22. La nôtre fait à peu près la moitié. On s’entraîne deux fois par semaine avant une compétition. Après celle-ci, on baisse le rythme. »
Jeudi et vendredi 14 et 15 mars, dans la région de Haslital Brienz, toutes les formations sélectionnées (environ 30) devront participer à des rencontres de qualifications qui permettront de les répartir dans l’une des catégories en vigueur (A à E). La Branche occupera à coup sûr le haut du panier. Les journées de samedi et de dimanche seront consacrées à la phase ultime, laquelle conduira à des quarts de finale, des demies et bien sûr à la finale tant convoitée. « Pour des raisons d’équité, poursuit Christian Albrecht, tous les coaches auront l’obligation de donner le même temps de jeu à leurs joueurs pendant les qualifications. Ensuite, nous pourrons faire ce que nous voulons. Par ailleurs, j’ai dû indiquer par écrit la catégorie dans laquelle j’estime que mes joueurs devraient évoluer. »
Des entraînements spécifiques pour les gardiens
Christian Albrecht ne cache pas que le rôle du gardien est capital. « C’est le joueur le plus important de l’équipe, assure-t-il. Il doit faire preuve de beaucoup de concentration. Depuis janvier, nous avons un nouveau portier, très jeune. Il a de très bonnes réactions et d’excellents réflexes, mais il doit encore s’aguerrir. La fatigue, avec six ou sept matches par jour, peut également le trahir. Cela reste le fait de tous les derniers remparts. J’emmène même un deuxième gardien avec moi. En ce moment, tous deux vivent une période difficile, car ils suivent des entraînements spécifiques. »
La philosophie de Christian Albrecht est proche de celle de toute formation sportive, voire professionnelle. « On a besoin de perdre pour gagner, souffle-t-il. Au début, il nous est souvent arrivé de décrocher des deuxièmes places. Après les rencontres, la tension est palpable dans les vestiaires. Les joueurs sont souvent nerveux. De ce fait, je ne leur dis rien pendant un certain laps de temps. Ce serait inutile et contreproductif. Parfois, certains d’entre eux font preuve d’agressivité, et c’est normal, et plutôt positif. Mais cela ne sort jamais des vestiaires. En fait, ce sont des joueurs comme les autres. C’est très important pour moi de donner le goût de la compétition à des personnes en situation de handicap. ça leur fait du bien à tous les niveaux. Perdre ou gagner représente un moment particulier pour eux. Ce n’est pas anodin. Ils ne sont toutefois pas plus sensibles que les autres. Il ne leur faut que quatre ou cinq jours pour passer à autre chose, jusqu’au prochain entraînement. »
En somme de vrais pros !
Si Christian Albrecht s’est lancé dans un sport totalement inconnu pour lui, c’est peut-être aussi parce que son ancienne directrice l’avait piqué au vif, au détour de l’un de ses cours. « J’aime bien ce que tu fais, mais tu ne gagnes rien, lui avait-t-elle lancé ! » Il a visiblement compris le message.