C’est à lire – Jean-Claude Zumwald met en scène son enquêteur Victor Aubois
Des polars à la sauce neuchâteloise


On l’a déjà dit, le polar romand se porte bien, avec Marc Voltenauer, Nicolas Feuz, Joseph Incardona et bien d’autres auteurs talentueux. Le prolifique auteur Jean-Claude Zumwald nous invite en pays neuchâtelois, avec des incursions à Fribourg, dans le canton de Vaud, dans le Jura et ailleurs. Ses nombreux livres ont toujours un narrateur, l’épicier-enquêteur (!) Victor Aubois. Lequel entretient des rapports tantôt amicaux tantôt conflictuels avec les instances policières officielles. Les bouquins de Zumwald se caractérisent notamment par leur humour et la richesse de leur langue, pas toujours évidente dans l’univers du roman policier. L’auteur se plaît en effet à jouer sur l’argot, le parler local, ainsi que sur un vocabulaire souvent châtié. C’est le plaisir littéraire à les lire qui m’a particulièrement séduit, plus que la trame elle-même, parfois un peu embrouillée. Parlons ici des deux derniers romans parus.
Les crédences d’Emmaüs est autant un ouvrage historique qu’un polar. Le livre évoque en effet, dans sa première partie et de manière poignante, le sort des Juifs français pendant la Seconde Guerre mondiale, ainsi que la spoliation de leurs biens, souvent avec la complicité de Suisses mercantiles peu scrupuleux. Quant à l’intrigue policière, qui se déroule bien plus tard, dans les années 1990 (une décennie que l’auteur affectionne particulièrement), nous ne la révélerons bien sûr pas ici.
Quant à La morte du collège des Parcs, un établissement scolaire de la ville de Neuchâtel, il vaut surtout par sa description à la fois très réaliste et gentiment ironique du milieu des enseignants – que nous avons bien connu ! – avec ses bosseurs, ses scrupuleux, ses fainéants ses caractériels, comme d’ailleurs dans toutes les professions. Or, les années 1990 sont aussi celles de grandes réformes pédagogiques, s’accompagnant parfois d’un charabia indigeste. Dans l’un et l’autre des deux romans, les personnages sont bien campés. Quant à l’évocation des sites neuchâtelois, elle invite les lecteurs et lectrices à aller les voir, car ils sont malheureusement méconnus des Vaudois. C’est donc à un voyage dans le temps et la géographie, ainsi que dans l’âme humaine, avec ses beautés et ses côtés sordides, que nous invite Jean-Claude Zumwald, en compagnie de l’alerte sexagénaire Victor Arbois, qui ne dédaigne pas les bons repas bien arrosés, de vins ou de damassine jurassienne…
Jean-Claude Zumwald, Les crédences d’Emmaüs
et La morte du collège des Parcs, Sainte-Croix,
Ed. Mon Village, 2023, 189 et 191 p.