La petite histoire des mots
Rhum

Comme tous les quatre ans, plusieurs skippers suisses participent à la Route du Rhum 2022, qui a pris le départ la semaine dernière, au large de Saint-Malo. Le Suisse Laurent Bourgnon est d’ailleurs le seul à avoir remporté à deux reprises cette course transatlantique en solitaire à la voile, organisée depuis 2006. L’appellation de cette course, disputée entre la Bretagne et la Guadeloupe, puise bien évidemment ses origines dans la production du rhum, cet alcool issu de la fermentation du jus de canne à sucre, produit à l’origine dans les îles de la mer des Caraïbes.
L’histoire de cette boisson, inventée à la Barbade il y a trois siècles, est fascinante, car étroitement liée aux divers empires coloniaux français, espagnols et britanniques. Elle évoque les attaques des pirates et celles des corsaires qui, contrairement aux premiers, étaient mandatés par leurs souverains, pour piller les navires ennemis chargés de richesses, aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Le nom de cette alcool est attesté en anglais, sous la forme « rum » dès le milieu du XVIIe siècle, avant d’être adopté sous cette même forme par le français, trois décennies plus tard. Son origine reste mystérieuse, mais selon les étymologistes britanniques, il serait peut-être issu, sous une forme abrégée, de « rumbillion », un terme du dialecte de la région du Devon, en Angleterre, qui désignait une bagarre, l’ivrognerie étant, jadis comme de nos jours, à la source de nombreuses querelles. En français, le « h » de rhum a été ajouté dès la fin du XVIIIe siècle, peut-être pour distinguer la production des Antilles françaises de celles des Antilles britanniques.
Si l’origine du mot « rhum » reste mystérieuse, il n’en va pas de même pour le terme « grog » qui désigne une boisson chaude, faite initialement de rhum mélangé à de l’eau chaude. Le grog fut inventé en 1740 par l’amiral anglais Edward Vernon, qui se distingua dans la guerre contre l’Espagne, en s’emparant de la forteresse de Portobelo, au Panama. Le quartier de Portobelo, à Londres, doit d’ailleurs son nom à cette victoire. Afin de lutter contre l’ivrognerie de ses marins, qui buvaient comme des trous, l’amiral eut l’idée d’ajouter un litre d’eau chaude à chaque quart de litre de rhum distribué à ses hommes.
L’amiral Vernon était surnommé « le vieux grog » par ses équipages, car il portait en permanence des vêtements peu seyants, faits d’un tissu grossier, dit à gros grains, appelé « grogram » en anglais. C’est ainsi que le surnom ironique de l’amiral finit aussi par désigner la boisson qu’il avait inventée. Plus tard, du jus de citron fut ajouté au grog original, afin de prévenir le scorbut qui touchait nombre de marins, faute de vitamine C.
A la veille de l’hiver, il est bon de savoir que la Faculté déconseille d’associer le grog, qui contient de l’alcool, à la consommation de médicaments contre les états grippaux ou les états fébriles. Mais il est vrai que grog a la réputation d’adoucir les maux de gorge, ainsi que la toux, de soulager les coups de froid et d’apaiser les symptômes d’un petit rhume.